Pull Down The Sun - Of Valleys And Mountains

Début exaltant

Aotearoa. Plus connu sous le nom de Nouvelle-Zélande, cet archipel se trouve littéralement aux antipodes de la France. Malgré le développement des moyens de déplacement et d’Internet, peu de musique originaire de ce pays parvient jusqu’à nos oreilles. À part Lorde, Alien Weaponry et peut-être Kimbra, il vous sera difficile de citer un artiste natif d’une des deux îles. Cette chronique est donc l’occasion d’en découvrir un nouveau, à savoir le trio Pull Down The Sun, petit groupe créé vers 2015 et ayant sorti son premier album en 2020.

Venant de Whanganui, ville de taille moyenne de l’Île du Nord, les trois musiciens expliquent que le groupe propose une musique atmosphérique, lourde et groovy. Pour la performer, on trouve Koert Wegman à la guitare et au chant, Jason Healey sur l’autre guitare et Stefan Bourke à la batterie. Pour la mixer, c’est à Zorran Mendonsa, technicien évoluant principalement dans l’archipel, auquel le groupe a demandé de l'aide. Pour faire le master du - superbe - vinyle, Forrester Savell fut appelé. Enfin, pour mettre une image sur cette musique, c’est Chris Panatier qui a réalisé l’artwork.

Et que dire si ce n’est que ce dernier a créé une des plus belles pochettes de l’année 2020 ? Sublime, l'œuvre dépeint avec un trait talentueux la faune et la flore du pays, avec en fond un magnifique paysage caractéristique de cette terre. La palette de couleurs a dû y passer entièrement, le rendu étant éclatant de contraste, frappant la rétine et inondant de vifs pigments le champ de vision.

OfValleysAndMountains_full Chris Panatier, 2020

Petite particularité, plusieurs morceaux ont des titres en langue maori, le groupe cherchant à incorporer un peu de cette culture dans leur art. Inspiré par l’histoire et la nature de l’archipel, le trio a infusé son ambiance dans l'œuvre qu’il nous a offert.

Avec le battement du cœur des îles, le titre Aka, qui ouvre l’album, nous emmène au beau milieu de leur nature resplendissante. La courte introduction sert de lancement à Whare Ra, piste progressive quasiment instrumentale. Les brèves paroles du morceau résument à elles seules l’esprit du disque : “Flow, grow” dépeignent le flux de la vie qui ne cherche qu’à s’épanouir à cet endroit du globe.

Cette nature va être ressentie tout au long de l’album à l’aide de plages d’ambient et des mélodies de guitares clean, notamment sur Light In Water, Kēhua ou Oro. L’atmosphère imprègne chaque piste, on a l’impression de sentir une sorte d’esprit des îles à travers les compositions. Quand ce ne sont pas les nappes subtiles de synthés, ce sont les riffs lourds et évocateurs qui parlent de la puissance de ce monde au milieu duquel le groupe a grandi.

La seconde moitié du morceau Utu en est sans doute le meilleur exemple : après un pont ralenti pour appréhender ce qui va arriver, le trio envoie un passage immense où un riff massif secondé de voix aériennes et d’un superbe solo vous emmène devant une nature indomptable. Que vous imaginiez une montagne imposante, une avalanche dévastatrice ou une vague gigantesque, vous vous sentirez ridicule face à ce que vous contemplez.

Dans son versant plus calme, la musique de Pull Down The Sun se permet des passages aériens, par exemple sur la fin de Tūrehu ou la superbe Kēhua. Cette dernière, piste instrumentale en crescendo, prend le temps de nous faire survoler les montagnes de Te Wai Pounamu, l’île du sud, avant que la guitare lead guide le groupe vers la partie volcanique mais toujours aussi sublime de la Nouvelle-Zélande.

Comme expliqué plus haut, le trio sait être versatile : la qualité de composition et le talent des musiciens s'entendent, tout comme leurs influences. Par exemple, Of Valleys And Mountains, titre éponyme, s’inspire plus qu’explicitement de Gojira, que ce soit au niveau de la batterie ou du refrain en tapping. Une autre raison de la finesse et de la subtilité d’écriture, c'est que Pull Down The Sun a eu le temps de les travailler, l’album reprenant quelques titres des EP sortis précédemment par les Néo-Zélandais.

Le seul point en dessous du reste est peut-être la voix de Koert sur ses parties en scream ou en growl, un poil trop brute comparée au reste de la production. Pourtant ses passages en voix clean fonctionnent bien, le chanteur transmettant pleinement les émotions qu’il souhaite évoquer, comme dans Ngaro.

La plupart des vers écrits par Pull Down The Sun tournent autour, là-encore, de l’archipel, ses légendes et divinités. Étant moi-même profane de ces mythes, je vous redirige vers l’article (en anglais) à propos de l’album écrit par The Progressive Aspect, expliquant brillamment comment les paroles touchent à ces thèmes. L’interview de Koert par le même webzine détaille un peu plus ces relations.

Du côté de la production, le travail est de qualité, les instruments pouvant être clairement identifiés sur le spectre sonore. Les pistes sont comme “espacées”, nous faisant percevoir l’immensité de la nature grâce au mixage et supportant notre immersion dans l’univers du groupe. Seul défaut m’ayant fait tiquer : la basse, n’étant plus en support et devenant clairement audible, sonne très artificielle. Cela n’enlève pour autant quasiment rien au mixage qui demeure globalement de fort bon aloi, surtout pour un premier album.

PullDownTheSun_doggo You can now pet the doggos [Crédits : https://theprogressiveaspect.net/] De gauche à droite : Stefan Bourke, Jason Healey et Koert Wegman

Tout ceci mis bout à bout, Of Valleys And Mountains est un début à ne pas rater, le groupe entamant sa carrière avec une œuvre forte. Preuve s’il en est : Pelagic Records, label reconnu dans la scène post metal, a décidé de signer Pull Down The Sun dans son roster et de rééditer cette sortie. À la croisée de plusieurs genres (atmo, sludge, ou post), les musiciens adoptent déjà un style particulier, si bien qu’on pourrait presque parler de “patte”.

La diversité des paysages et ambiances visités rendent le voyage captivant, chaque aspect musical découvert étant une nouvelle occasion de s’attacher au trio. Pour peu que vous soyez curieux, cet album sera une porte d’entrée aussi intrigante que fascinante vers Aotearoa et son histoire.

FluiditéA quel point l'album est digeste sur la durée de l'écoute. 1/5 : Chaque note parait plus longue que la précédente. Cela peut être une bonne ou une mauvaise chose 5/5 : L'album s'écoute facilement, le temps passe vite
ProfondeurIndice sur la densité de contenu de l'album 1/5 : album au propos plutôt dépouillé voire superficiel, on en fait rapidement le tour, on l'assimile très vite 5/5 : album au contenu très riche, plusieurs écoutes seront indispensables pour espérer en capter l'essence
ClartéL'album est superbement produit, le son est de velour et vous donne envie de jouir, 5 sur 5. Si au contraire, l'album est produit avec des jouets toys'r'us; et donne envie à vos oreilles de saigner de s'autoflageller avec un port jack de 1.5m, alors 1 sur 5
Consigne du maître nageur :
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Pull Down The Sun album
Pull Down The Sun
"Of Valleys And Mountains"