Voyager - Fearless In Love

Metal progressif, synthés et paillettes

Groupe évoluant depuis 1999 dans la scène du métal progressif, Voyager avait réalisé en 2017 ce qui est sans doute leur album le abouti avec Ghost Mile. Deux ans plus tard, la formation explorait une nouvelle direction en flirtant avec la pop 80’s dans Colours In The Sun mais de façon plutôt maladroite. Manque de cohérence, expérimentations pas toujours utiles, rythme bancal : il manquait quelque chose pour que l'ensemble fonctionne. Comparé à son prédécesseur, cet opus en avait déçu plusieurs, sans que cela ne décourage pour autant le quintette australien. La pop était un style qui leur tendait les bras, et eux voulaient pleinement l'embrasser. Si Colours In The Sun n’était pas le diamant le mieux poli de leur discographie, le groupe a décidé de persévérer, et ce via une initiative plutôt inattendue.

Voyez-vous, de par nos contrées, l’Eurovision c’est ce concours rempli de paillettes et débordant de kitsch mais qui se trouve souvent rabaissé pour de mauvaises raisons, alors que pour les autres pays, cette compétition est un véritable évènement annuel de communion et de partage. Tellement populaire en Australie que le pays s’est vu intégrer le line-up des participants en 2015. Parmi les aficionados de l’île, il y avait le jeune Danny Estrin, vocaliste de Voyager, qui rêvait depuis sa tendre enfance d’écrire un morceau pour aller concourir sur cette scène. Après une première tentative avec le catchy Dreamer en 2022, c’est l’année suivante qu’ils s'imposèrent en sélection nationale avec l’excellent Promise. Finissant à la neuvième place du concours et accompagné d’une scénographie haute en couleurs, ce single transformait l’essai et confirmait la direction qu’ils avaient pris sur ce qui allait devenir leur prochain album : Fearless In Love. Ce nouvel opus prend la continuité de ces deux titres, en les incluant en son sein. Mais le reste des titres est-il au niveau ?

Comme d’habitude, la pochette se lie à la musique qu’elle doit dépeindre : on y voit deux mains se serrant le bras, l’unisson de leurs différences nous offrant un superbe rendu. Une belle analogie de la synth pop et du prog se retrouvant ensemble sur Fearless In Love, qui ont été maniés d'une bien belle façon par le groupe.

Pour ça, il a fallu diminuer la place des guitares et mettre en avant les synthés. Un constat qu’il est simple de mettre en évidence : vous n’entendrez jamais les guitares introduire un titre du disque. Elles arriveront rapidement, mais un synthé les devancera systématiquement. Cela ne veut pas dire pour autant que les 7 cordes ont disparues, mais le détail marque l’auditeur.

Ce qui n’a pas disparu par contre, c’est la bonne humeur communicative du groupe. Si des titres comme Twisted, The Lamenting ou Listen proposent des émotions mélancoliques ou tourmentées, c’est plutôt la jovialité qui prédomine sur Fearless In Love. Dès son ouverture, The Best Intentions, le quintette transmet une joie de vivre contagieuse via un riff jouissif. Une sensation qu’on retrouve plusieurs fois, comme sur Submarine, Promise ou encore Gren (Fearless in Love).

De bonnes ondes qui s’expriment de plusieurs façons : pour Submarine, ce sera un metal progressif tirant ses influences d’un certain Devin Townsend avec un mur sonore et des choeurs en puissance, tandis que pour Daydream, les musiciens opteront pour une synthpop très sucrée à la limite du rock FM des 80’s. Gren se révèle quant à lui être une très belle fin, faisant penser à un coucher de soleil après une journée bien remplie. Un épilogue qui prend son temps pour s’installer, jusqu’aux refrains où les leads des guitares nous emportent avec eux.

Même si la pop se fait de plus en plus prégnante dans leur musique, leur metal progressif des débuts reste toujours présent, que cela soit au niveau des riffs tranchants et syncopés ou des leads et soli de guitares. En dépit de la progressive prise de pouvoir des synthés, Simone Dow et Scott Kay, les guitaristes, trouvent toujours la place pour se faire plaisir, comme sur le lourd Prince Of Fire ou le fun Submarine.

À la basse, Alex Cannon trouve plus de place pour s’exprimer : la cinq cordes est plus souvent mise sur le devant de la scène, le musicien nous offrant de soyeux licks. Les guitares faisant place aux synthés et à l’ambient pendant les couplets, c’est lui qui prend le rôle de mener les titres à ces moments-là. Le bassiste gagne également une place de choix au chant, se joignant souvent à Danny Estrin. On a notamment pu remarquer sa prestation lors de l’Eurovision, où il nous donnait envie de hurler le pré-refrain avec lui :

“Cross my heart
'Til the sky turns red in the sunrise ! ”

Il faut aussi évoquer la frappe puissante d'Ashley Doodkorte ou encore l’apparition du chant guttural sur le final de Ultraviolet, pour lequel il faut remercier Sean Harmanis de Make Them Suffer. Mais le meilleur exemple reste tout de même cette immense breakdown en plein milieu de Promise qui a dû secouer plus d’un spectateur ne s’étant pas mouillé la nuque lors de leur prestation télévisée. Même au milieu du titre le plus formaté pour le public et la pop, le groupe n’oublie pas qui il est (une bande de loufoques et joyeux lurons).

Cependant, malgré un tout très homogène, on retrouve quelques titres pas forcément désagréables à l’écoute mais qui n'apportent pas grand chose de neuf, The Lamenting ou Listen en tête. Sans être mauvais, ces titres auraient pu être rayés de la tracklist sans que cela n’impacte le ressenti général de l’album.

Ce qui est certain, c’est que l’on retrouve la recette de Colours In The Sun avec ses claviers teintés de synthwave, mais utilisés de façon beaucoup plus adéquate. On sent véritablement que le quintette maîtrise désormais pleinement cette nouvelle formule. Le potard de la pop progressive est poussé au maximum, jouant parfois avec les limites du kitsch, mais sans jamais en faire trop. En ressort un disque probablement trop homogène, mais qui ne manque certainement pas de cohérence ni de sincérité. Voyager s’amuse, et nous le fait savoir avec ce Fearless In Love, respirant la bonne humeur et l’espoir (regarder le clip de Submarine devrait vous en convaincre).

Malheureusement, une note amère s'est ajoutée à la fête. En effet, le diagnostic d’un cancer chez Danny Estrin est tombé tout fraîchement au moment où nous écrivons ses lignes. Nous envoyons tout notre soutien envers lui, sa famille et ses amis.

Joie de VivreComment l'album va impacter votre humeur. 1/5 : Tout est noir et triste, et si je me roulais en boule ? 5/5 : Tout va bien, je souris avant tout.
DiversitéLa profusion d'ambiance que propose l'album. 1/5: Le disque est un monolithe uniforme. 5/5: Les pistes passent régulièrement du coq à l'âne et de l'âne au coq.
DérisionA quel point l'album inspire la galéjade et le rire, à dessein ou non 1/5 : Mouais. Pas envie de rigoler 5/5 : L'album vous fait extrêmement rire
Consigne du maître nageur :
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Slip de bain

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Voyager
"Fearless In Love"