Obsidian Tide - Pillars of Creation nous a demandé quatre ans de travail

A l'occasion du lancement de leur campagne de financement participatif pour presser leur premier album en vinyle (accessible ici), nous avons interviewé le groupe israélien Obsidian Tide pour revenir ensemble sur la conception de leur premier album Pillars of Creation.

Soundbather : Bonjour Obsidian Tide, et merci d’avoir accepté notre invitation.

Obsidian Tide : Hey ! Merci à vous de nous recevoir.

S : En Août dernier, c’était la première année d’existence de Pillars of Creation et vous avez pris la décision de lancer un crowdfunding pour créer une version vinyle de cet album. Pourquoi avoir fait ce choix plutôt que d’utiliser Bandcamp comme point de vente, comme pour le reste de votre merch ?

Oz : Et bien, je voudrais commencer par dire que je pense honnêtement que Bandcamp est la meilleure plateforme pour les groupes et musiciens indépendants. Que ce soit pour le streaming ou la vente de musique et de merch, nous gagnons plus grâce à cette plateforme que via n’importe quelle autre (si vous êtes dans un groupe ou si vous avez un projet musical et que vous lisez ceci, utilisez Bandcamp).

Ensuite, toute cette histoire de vinyle nous a mené à considérer plusieurs options. Nous avons appris que produire des vinyles a un coût élevé et étant donné que nous sommes indépendants, nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de financer la production seuls. De fait, réaliser le pressage nous-mêmes et le mettre sur Bandcamp n’était pas une option pour nous dans un premier lieu et c’est pour cela que nous avons décidé de lancer une campagne crowdfunding.

S : Le vinyle sera en édition limitée. Qu’est-ce qui vous a poussé à sortir cet album dans ce format un an après la sortie de Pillars of Creation ?

Erez : Certains fans nous ont demandé une sortie vinyle. A la base, nous pensions que c’était trop cher, mais après avoir vu un certain nombre d’autres groupes réussir à vendre les leurs grâce au crowdfunding (Iapetus, Luna’s Call), nous avons juste utilisé la « période corona » pour organiser cela.

Sachar : Au début, nous avions pensé créer un crowdfunding sur quelque chose comme Kickstarter, avec des avantages classiques, mais nous sommes ensuite tombés sur Qrates, une usine de pressage de vinyles qui a une option de crowdfunding déjà intégrée ! C’était vraiment idéal dans notre cas, donc nous avons juste décidé d’opter pour cela.

S : Les compositions, les paroles et la production de ce premier album sont si matures qu’il semblerait presque que vous y ayez travaillé pendant des années. Dites-nous en plus sur sa conception.

Oz : Oui, ta supposition est tout à fait correcte. En tout, Pillars of Creation nous a demandé quatre ans de travail. Nous avons réellement commencé l’écriture juste après la sortie de l’EP Debris en 2015. Nous avions déjà écrit deux chansons (King of a New Realm et Portent of Betrayal) et nous les jouions régulièrement en live, donc nous savions qu’elles feraient partie de notre nouvel album. A partir de là, nous avons continué à travailler les structures, de les modifier et de les jouer en répétition. De temps en temps nous en jouions des extraits et des nouveaux sons de Pillars of Creation (sans les sortir) pendant ces concerts.

4 ans, c’est une longue période. Cela permet de réfléchir, de donner corps à notre musique. Je peux te dire que nous avons beaucoup travaillé et que nous nous sommes énormément concentrés sur Pillars of Creation. Nous ne voulions pas faire de compromis, ce qui nous a poussé à nous diriger vers le meilleur résultat possible pour chacune des chansons de l’album. Je me souviens de ces longs moments durant lesquels je mettais mes écouteurs pour écouter et étudier les premières versions démo des chansons de l’album la nuit alors que j’étais dans mon lit en attendant que le sommeil vienne.

Erez : Nous avons vraiment tout donné pour cet album. J’ai essentiellement travaillé sur le côté son, production et arrangements et c’est quelque chose de laborieux, franchement. Voir des gens être aussi excités par notre travail m’a fait penser que cela valait vraiment le coup.

4 ans (pour concevoir cet album), c’est une longue période (...). Nous ne voulions pas faire de compromis, ce qui nous a poussé à nous diriger vers le meilleur résultat possible pour chacune des chansons de l’album.

S : Pillars of Creation raconte l’histoire d’un homme qui se lance dans un voyage initiatique durant lequel il est témoin d’histoires fascinantes et découvre les horreurs de notre monde. Quel message voulez-vous faire passer au public avec ce concept d’album ?

Shachar : Je ne pense pas qu’il y ait réellement de message à faire passer au public, c’est juste que nous pensions que c’était cool et inspirant – nous voulons projeter l’auditeur ou l’auditrice dans un voyage dans lequel il ou elle peut plonger et s’immerger, quelque chose qui peut les sortir de ce monde.

S : Une des choses les plus frappantes entre Debris et Pillars of Creation est l’intégration de sons orientaux. Pourquoi est-ce important pour vous d’inclure votre héritage culturel dans vos compositions de nos jours ?

Oz : Pour être honnête, intégrer notre héritage culturel dans la musique n’était pas notre intention au début, mais plutôt quelque chose que nos chansons semblaient nécessiter. Je dirais que la différence entre Debris et Pillars of Creation est palpable et je pense que c’est naturel. Avec Debris, notre priorité était de sortir de la musique pour commencer à avancer et avoir des bases à partir desquelles se développer. Cependant, avec Pillars of Creation, les choses sont devenues plus vastes et nous avons mis beaucoup plus de réflexion dans tout ce que nous faisions. C’est notamment dû à la manière dont les nouvelles chansons se sont développées ainsi qu’à la manière dont nous avons évolué en tant que trio et en tant qu’individus pendant les quatre ans entre ces deux sorties.

Erez : Nous savions que nous voulions quelques petites touches originales sur cet album, mais nous n’avions pas forcément l’orientalisme en tête à ce moment-là. Sur Seven, par exemple, nous voulions ajouter quelques percussions, et Oz m’a suggéré d’utiliser la darbouka (un tambour) qui traînait chez moi, c’est comme ça que ça s’est fait.

S : Est-ce que ce son oriental, en particulier accentué par l’utilisation de la flute et du violon dans vos compositions, va devenir la signature de votre groupe ?

Oz : Ce type d’instrument a apporté de la profondeur à Pillars of Creation et il est possible qu’ils apparaissent à nouveau. En général, en terme d’inclusion d’instruments, c’est surtout une question de ce que l’on pense que le titre nécessite, on ne forcera jamais la présence d’un instrument en particulier. Je pense que quand on parle du ton et de l’implication des instruments pour colorer les compositions, les possibilités sont infinies.

Shachar : nous prenons rarement en compte les possibles instruments supplémentaires dans la composition. En général, on passe par la case pré-production avant d’en venir à la conclusion que « ce riff a besoin d’une flûte » ou « nous pourrions utiliser un violon à ce moment-là ». Cependant, je serais surpris si nous sortions un jour un album sans d’autres instruments que les classiques guitare/chant/batterie/basse.

Erez : Je pensais utiliser un kamancheh (une sorte de violon persan) sur notre prochain album. Les autres se moquent de moi quand j’évoque ce genre d’idées, mais je pense pouvoir les convaincre - aidez-moi, s’il vous plait ! Bref, je suis sûr que nous vous surprendrons.

S : D’autres artistes talentueux ont rejoint votre trio sur cet album (Danielle Sassi à la flûte, Yuval Gur au violon, etc.). Avez-vous pensé à inclure l’un de ces musiciens en tant que membre officiel d’Obsidian Tide ou à leur proposer de collaborer sur de prochaines compositions ?

Shachar : En fait, il y a eu d’autres membres dans le groupe par le passé. Nous avions un autre vocaliste/chanteur et, avant de sortir Debris, nous avions même lancé des auditions pour un claviériste, mais nous nous sommes rapidement décidés à rester juste nous trois. Nous aimons réellement travailler avec Danielle et Yuval, mais nous aimons notre lineup tel qu’il est actuellement. Notre alchimie est vraiment forte, que ça soit sur le plan personnel comme sur le plan musical, donc nous ne voulons pas gâcher ça. Cependant, il est clair que Danielle nous comprend très bien et nous apporte plein d’idées formidables ! Elle est la Scott Kelly de notre Mastodon. On travaillera très probablement à nouveau avec elle ainsi qu’avec d’autres musiciens ; mais rien n’est encore prévu pour le moment.

S : Israël n’est pas connue pour sa scène de metal progressif. Néanmoins y-a-t-il quelques pépites que nous ne connaissons pas encore ?

Shachar : Le plus gros groupe de la scène locale est Distorted Harmony – ils ont commencé comme un groupe Dream-Theateresque, mais leur son est devenu plus djent récemment. Je recommande vivement leur premier album Utopia. Cependant, mon groupe préféré dans la scène locale est Tillian, ils ont un beau mélange de rock/metal progressif avec quelques éléments dans la même idée que Kate Bush. J’étais très enthousiaste quand la vocaliste Leah m’a invité pour faire un guest sur leur album The Lotus Graveyard.

Oz : Je dirais qu’il y a un léger intérêt pour le genre en ce moment, mais si on recherche des groupes stables, connus et qui tournent depuis un moment, la liste est en effet assez courte… A part Orphaned Land, un de mes groupes préférés dans la scène locale est Subterranean Masquerade. J’ai appris leur existence grâce à Metal Archives, où j’ai appris que Jason Walton (le bassiste de longue date d’Agalloch - je suis un grand fan de ce groupe) a fait partie du lineup pendant un moment. Cela a attisé ma curiosité, m’a poussé à en savoir plus et j’ai découvert de bien belles choses. Ils sont encore actifs aujourd’hui et j’ai eu l’honneur de participer à une cover avec plusieurs musiciens d’un classique de Phil Collins.

S : J’ai remarqué une évolution dans le chant entre vos deux dernières productions. Plus de voix claires et une utilisation diversifiée du growl. Qu’est-ce qui vous a fait choisir cette direction pour le chant ?

Oz : Après la sortie de Debris, sur lequel Shachar et moi étions au chant, c’est un peu devenu notre rôle au sein du groupe. Nous avons compris qu’il était temps de monter en niveau et de développer notre chant. Pendant ces quatre ans de battement entre les deux sorties nous nous sommes améliorés et avons réussi à évoluer.

S : Vous êtes deux chanteurs dans le groupe, Oz pour les parties en chant clair et Shachar pour les parties en chant saturé. Est-ce que ça a toujours été prévu comme ça ? Est-ce que vous choisissez les voix par rapport aux paroles, ou est-ce juste selon leur correspondance au moment dans la chanson ?

Shachar : On avait un autre chanteur au début, donc aucun de nous deux n’avait prévu de chanter quand on a commencé à jouer ensemble. Nous avons toujours voulu utiliser du chant clair et du chant saturé donc c’est bien normal que les choses se soient passées ainsi. On commence toujours par les mélodies pour le chant clair et les rythmes pour le chant growl avant d’écrire les paroles. Du coup, on écrit les paroles pour correspondre à la tonalité/au son des voix. A chaque voix correspond une émotion c’est pourquoi les paroles dépendent de la structure de la chanson. Ce serait étrange que les growls chantent de manière joyeuse ou sombre pendant que les voix claires chantent à propos de sujets plus « violents ».

S : Sur certaines chansons comme Portent of Betrayal, on peut clairement ressentir un hommage au groupe suédois Opeth, fait-il vraiment partie de vos influences ? Quels groupes de la scène nordique ou autre considérez-vous comme vos influences ?

Shachar : Ouais, Opeth est clairement une influence commune pour nous tous, même si Oz et moi, on aime toute leur discographie, là où Erez n’apprécie que leurs sorties prog rock plus récentes. D’autres influences que je peux citer c’est BTBAM ou Mastodon. Personellement, je trouve que les plus anciens groupes de rock progressif comme King Crimson et Renaissance sont vraiment inspirants. Pour la partie plus moderne, j’aime beaucoup Black Crown Initiate et les trucs plus jazzy comme Snarky Puppy, Banda Magda et le Berklee Indian Ensemble. Je me dois de rajouter que, quand on a essayé d’organiser une tournée l’été dernier, j’ai découvert beaucoup de plus petits groupes. Cela m’a poussé à creuser plus en profondeur pour trouver d’autres groupes inconnus car il y a plein de pépites méconnues. En ce moment, mes petits groupes préférés sont Soulsplitter (Allemagne) et Omnerod (Belgique)

Erez : Hmmm, j’ai le cd de Still Life dans ma voiture, c’est plutôt cool mais Heritage est de loin le meilleur album d’Opeth. Ça tire à balles réelles !

Oz : Opeth a une grosse influence sur nous et le groupe est l’une des raisons qui m’a poussé à former Obsidian Tide à l’origine. Si l’on parle de composition ou de mon évolution en tant qu’artiste, ces gars-là sont des exemples à suivre. Pour ce qui est de la musique venant de la scène Nordique, j’en suis très friand, notamment le black et le death metal. Mais aussi le pagan et le neofolk avec des groupes comme Enslaved, Borknagar, Moonsorrow, Katatonia et même Wardruna. Dans la même veine, je suis en général intéressé par ce qui est prog, heavy et atmosphérique. Je peux nommer Agalloch, Meshuggah, If These Trees Could Talk ou encore Dream Theater.

S : C’est quoi la prochaine étape pour vous ? Un deuxième album ? Un nouvel EP ?

Shachar : Carrément, l’album numéro 2 arrive ! Il est déjà à peu près écrit et on va commencer la pré-production au printemps prochain, peut-être même avant. Nous voulions vraiment faire une tournée l’été dernier mais comme beaucoup, nos projets ont été contrecarrés par la crise sanitaire. Du coup, ce sera peut-être avant ou après la sortie du deuxième album mais nous voulons vraiment tourner et jouer sur des scènes à l’étranger.

Erez : Le nouvel album va être ouf. Attendez-vous à tout ...

Un grand merci à Obsidian Tide de nous avoir accordé cette interview.
Merci également à Lauris, Lionel et Loïs pour leur aide au niveau de la traduction.

Oz Avneya
Shachar Bieber
Erez Nadler