NORD - The Implosion Of Everything That Matters

Silence ! Les fantômes du passé dansent !

En 2020, chez Klonosphère débarquait The Only Way To Reach The Surface, deuxième album des Lillois de NORD. Véritable petite pépite trop méconnue, le disque brillait par sa versatilité et ses mélanges de styles improbables, passant par exemple du Metal progressif à la Pop pour finir sur le Math rock le plus déstructuré, et ce au sein d’un même morceau. À tout ce joli bazar s’ajoutait une dose d’émotions aussi brutes que puissantes, portée par la voix d'un Florent Gerbault jouant autant sur les registres criés que clairs. Une recette artistique unique donc. Après trois ans d’attente, le troisième effort de la formation pointe enfin le bout de son nez. Accompagné d’une pochette hypnotique et superbement réalisée par Thibault Cogez, The Implosion Of Everything That Matters dénote tout d’abord par sa durée de 25 minutes, son prédécesseur en faisant presque 45. Malgré tout, les cinq titres qui le composent sont des plus généreux et débordent d’idées, tout en prenant une direction radicalement différente des deux albums précédents.

Les première notes du morceau d'introduction Candles ne sont pas sans rappeler Love. Des sons électroniques, du clavier et une voix qui murmure à nos oreilles. Plus les secondes passent, plus l’ampleur se fait puissante, jusqu’à atteindre son pinacle aux alentours des 2:35 avec un larsen électronique, enchainant sur une cavalcade de piano. Une introduction belle et mystérieuse quelque peu inédite pour le groupe. Et les Lillois n’ont pas fini de nous surprendre sur ce disque. Preuve en est avec Truth Philters, premier single du projet.

Pouvant paraître déstabilisant au premier abord, il n’en reste pas moins fascinant. Ce chant hurlé passé sous des tonnes de filtres et d’effets en tout genre, allié à cette instrumentation chaotiquement ordonnée, nous attrape immédiatement après les ambiances calmes mais menaçantes de Candles. Le rendu final sonne quelque peu torturé, mais de façon absolument délicieuse. La voix claire reprend sa place aux alentours des 0:45, nous amenant vers son entêtant refrain :

Just one drink to forget
Just one drink to forget
The ghosts laying on the ceiling

Mais à mi-parcours du morceau, aussi bon soit-il, nous sommes en droit de nous poser une question légitime : où est passée la guitare complétement barrée des albums précédents ? Et bien vous n’êtes pas sans savoir qu'entre 2020 et 2022, une pandémie nous est tombée sur la figure. Écrit en plein confinement, la formation a dû faire avec les instruments qu’ils avaient sous la main. Accompagné de son clavier, Florent Gerbault a décidé de mettre de côté la six cordes pour faire la part belle aux ambiances électroniques et synthétiques. Choix qui entraine par ailleurs une mise en avant de la basse de Romain Duquesne tout du long. Le meilleur exemple de cette direction artistique reste le mystique Incantation (呪文) avec ses sonorités spatiales et fantomatiques rappelant les bandes originales de John Carpenter. Écouter ce morceau, c’est se sentir happé dans une sorte de rituel inconnu. On ne comprend pas tout ce qui s’y passe, mais tout nous pousse à continuer l’écoute. On notera l’apparition d’une partie en spoken word japonais de Yuki, chanteuse de Presence Of Soul, accentuant ce sentiment de fascinante étrangeté.

Vient ensuite le pénultième morceau de la galette qui, encore une fois, vient complètement dénoter avec le reste. Avec un riff de basse appelant à la bagarre dès ses premières secondes, Sexorcism est probablement le méfait le plus accompli de ces 5 titres. Il est la parfaite fusion de leur son pré-confinement avec celui élaboré 3 ans plus tard. On ne peut pas s’empêcher de penser aux Mars Volta lors de ce break diablement dansant, efficace et improbable à partir de 2:25. Thibault Faucher y matraque ses fûts dans une rythmique acharnée, jusqu’à l’explosion et un passage au duduk (un instrument traditionnel arménien). Les parties ambiantes reprendront ensuite leurs droits pour enchainer parfaitement avec l’éponyme, dernier acte de l’œuvre. L’atmosphère y est tout d’abord plus sombre, notamment grâce à l’apport de cuivres fantomatiques, pour embrayer sur une épique suite qui durera près de 7 minutes avant de boucler sur l'introduction de Candles.

« Are we sitting under an endless rain ? »

L’album, brille de par sa musicalité à toute épreuve, mais aussi par ses paroles traitant du deuil, ou encore de ce sentiment d’aller de l’avant dans la vie de tout les jours. Un disque puissant aux allures cinématographiques, faisant référence à A Ghost Story de David Lowery autant avec sa pochette sur traitement de la voix rappelant aisément le travail de Dark Rooms dans la BO du film.

Le trio ne se met aucune limite artistique et joue la musique qui les fait vibrer, peu importe le style. Et rien que pour cette démarche, NORD mérite votre attention. S'enfoncer dans les ténèbres de The Implosion Of Everything That Matters, c'est le risque de vouloir l'écouter en boucle afin d'en dénicher toutes ses subtilités tapies dans l'ombre.

DiversitéLa profusion d'ambiance que propose l'album. 1/5: Le disque est un monolithe uniforme. 5/5: Les pistes passent régulièrement du coq à l'âne et de l'âne au coq.
FluiditéA quel point l'album est digeste sur la durée de l'écoute. 1/5 : Chaque note parait plus longue que la précédente. Cela peut être une bonne ou une mauvaise chose 5/5 : L'album s'écoute facilement, le temps passe vite
DéfouloirIndice sur l'envie de se défouler que l'on ressent en écoutant l'album. 1/5 : album plutôt tranquille, reposant et serein. 5/5 : album rempli d'énergie on a envie de sauter partout et de rentrer dans le moshpit
ImmersionIndice de l'immersion dans le voyage musical. 1/5 : l'album s'écoute les pieds bien au sol 5/5 : l'album vous emmène dans un tunnel de couleur et de sensations
Consigne du maître nageur :
Scaphandre
Scaphandre

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"The Implosion Of Everything That Matters"