Le Passage #07 - Deadmau5 - Fn Pig (ov)

Build-up.

Au fil de nos écoutes, certains albums et certaines pistes parviennent à capter notre attention. Des morceaux qui reviennent régulièrement dans nos playlists, nos oreilles, pour combler les moments creux ou tout simplement nous faire du bien. Dans Le Passage, nous revenons sur ces chansons qui rentrent dans notre panthéon, grâce à une partie qui les fait surnager au-dessus des autres.

Né en janvier 1981, Joel Zimmerman, plus connu sous son alias Deadmau5, est un DJ, compositeur et producteur de musique électronique canadien. Talentueux et ayant atteint un succès certain dans les années 2010, le musicien a parcouru divers sous-genres, de l'electro grand public (Ghosts 'n' Stuff) en passant par la dubstep (Raise Your Weapon) jusqu'à la house souvent progressive (Aural Psynapse) grâce à laquelle il a gagné une reconnaissance publique et critique.

Excellent producteur et plus qu'un compositeur aguerri, le Nord-Américain nous a, par exemple, offert Strobe, chef-d'œuvre de house progressive à la construction et aux mélodies sublimes ainsi que The Veldt, morceau chill aux paroles plus subtiles qu'il n'y paraît. Il en est de même pour le Passage auquel est consacré cet article, que je place au panthéon des compositions électroniques, aux côtés de Planisphère de Justice et de Light Cycles, écrit par ShockOne.

Évolution

Avant de parler du Passage, il faut que je précise à quelle version de Fn Pig je fais référence, le morceau dédié au petit cochon de Minecraft ayant connu plusieurs itérations. Les premières traces remontent à 2010, époque à laquelle le morceau était titré Get In The Cart, Pig, évoquant sûrement cette vidéo où un cochonnet refuse d’aller dans un wagonnet, au grand dam du compositeur.

Ayant doucement grandi et évolué, le morceau a toujours connu - à quelques astuces de mixage près - la même introduction, suivie par différentes compositions. Il y a quatre versions connues avec leur propre titre, ici dans leur ordre chronologique de parution : Get In The Cart, Pig, Get In The October Cart Pig (mélangée avec le titre October du même artiste), Fn Pig, et Fn Pig (orchestral version). La première ne contient que l'introduction, la seconde tient de l'electro progressive, tandis que la troisième tire plus vers la house bien dure, alors que la quatrième est digne de la bande originale d'un space opéra.

Le Passage d'aujourd'hui va se concentrer sur l'intro de la 3ème et 4ème version du titre - la même dans les deux cas - qui est à mon sens mieux produite, les basses ayant plus de présence et rendant la piste plus complète d'une certaine manière. La seconde sonne plus "sèche", grattant presque nos oreilles et laissant un peu sur sa faim.

Crescendo à frissons

Contrairement aux autres Passages parus sur le site, qui élèvent un titre en cours de lecture, celui-ci lance le morceau. Il devra donc accrocher l’auditeur et guidera notre ressenti général. Fn Pig entre dans la catégorie de ce que les anglophones appellent les “slow-burner” : à travers ce nom, on sous-entend une œuvre qui ne va pas vous accrocher directement avec une mélodie ou un rythme efficace, mais plutôt se construire lentement et faire doucement monter la température. En exemples célèbres, on pourrait citer Shine On You Crazy Diamond, In The Air Tonight ou Strobe.

D’abord presque immobile, l’introduction va lentement commencer sa marche en ne laissant que des basses parvenir jusqu’à nous, de discrètes notes nous donnant le rythme. La marche va devenir plus régulière avec l’ajout d’une mélodie, le tempo augmentant subtilement au fur et à mesure que les couches de synthés et autres instruments s’additionnent.

De la marche, on va passer au trot, à la course, puis au sprint jusqu’à se détacher de l’influence de la gravité pour partir dans les étoiles, chaque graduation gagnant en pistes, en intensité, en vitesse et surtout en sensation. Fn Pig ne cesse de prendre de l’espace dans le casque, finissant par vous submerger de sons. À l’apogée de ce qui est devenu un emballement inarrêtable, immanquablement, les poils se dressent et la chair de poule survient, accompagnée de frissons.

Alors au sommet, le tempo ralentit progressivement, comme si le titre avait réussi à s’extirper de l’attraction terrestre et se trouvait dès lors en apesanteur. À ce moment, l’unisson des instruments est sublime et l’espèce de scintillement sonore des synthés donne l’impression d’être baigné d’une lumière radieuse.

On est alors à 2:30, et comme l'a un jour dit un certain Étienne : "Vous êtes satellisés". Les 150 secondes que vous venez de vivre vous ont collé des frissons comme rarement la musique aura pu le faire. Vous ne vous en rendrez compte que plus tard, mais Deadmau5 a construit intelligemment, et surtout de manière très élégant, un build-up accélérant sans cesse qui ne peut laisser indifférent.

De fait, on ressent que tout monte constamment alors qu'en réalité, la mélodie se répète tout au long du passage. Simplement, quand un instrument redescend d'une octave, les autres continuent de monter. Et comme ils font cela tour à tour, vous avez l'impression que tout s'élève continuellement alors que le leitmotiv boucle simplement de plus en plus en vite. Ce qui se révèle être à la fin une technique aussi simple qu’efficace.

Lorsque Fn Pig est jouée en live, l’écran derrière Joel s’illumine peu à peu jusqu’à ce qu’il éblouisse totalement l’audience. Et c’est finalement là que se trouve la beauté du passage, le lent crescendo faisant grimper lentement mais sûrement nos émotions jusqu’à ce qu’elles nous submergent. À vous d’accueillir cette vague de frissons, à bras ouverts de préférence.

FnPig_live

Pour cela, je vous suggère la version orchestrale visible plus haut dans cet article, qui à mon sens enchaîne le mieux avec cette introduction magistrale et arrive à ne pas retomber à plat derrière une telle section. Elle emmène le morceau ailleurs tout en gardant une vraie continuité, contrairement aux autres versions.

Parce qu’un morceau ne se limite pas toujours à un passage, le reste étant parfois nécessaire pour l’apprécier entièrement.

Bonus : une version du titre arrangée par Michael Gold, qui pourra vous faire penser à Halo.

where's the drop_deadmau5
Deadmau5
"where's the drop?"