Elder : Notre “mission” a toujours été d’écrire des morceaux de grande qualité.

Vieux dans le nom, pas dans la tête.

À l'occasion de la sortie d'Innate Passage, sixième album de la discographie d'Elder, nous avons pu nous entretenir par mail avec Nick DiSalvo, chanteur et guitariste du quatuor. L'occasion de parler de la conception de cet album, des futurs projets du prolixe multi-instrumentiste mais aussi des critiques survenues autour d'Omens, prédécesseur d'Innate Passage.

En vrai, on ne s’arrête jamais d’écrire de la musique.

Soundbather: : Salut Nick, on espère en premier lieu que tu te portes bien ! Tu viens tout juste de terminer une tournée européenne avec Pallbearer & Irist, comment ça s'est déroulé ?

Nick Di Salvo : Premièrement, merci ! Ensuite, c'est devenu plus difficile de tourner en Europe récemment, pour être honnête avec vous. On a eu d'excellents publics qui se donnaient à fond mais les affluences étaient moindres par rapport à ce que l'on pouvait imaginer avant la pandémie. Je suppose qu'il doit y avoir un bon nombre d'éléments qui rentrent en compte. Hormis ça, c'était une superbe tournée avec deux excellents groupes et on a passé de très bons moments ensemble.

SB : Est-ce que ça vous a fait du bien de repartir en tournée, après tout ce qu'il s'est passé dû à la pandémie ? Est-ce que vous vous êtes sentis un peu rouillés sur les premiers shows ?

NDS : Il nous faut toujours quelques shows pour nous échauffer et nous permettre de bien rentrer dans le bain. On avait déjà fait plus de 100 concerts sur la première moitié de l’année, donc quand on est parti en tournée, on était déjà bien rodé. Quand on a rejoué pour la première fois après la pandémie, c’était un peu étrange, mais après quelques concerts, tout est rentré dans l’ordre comme s'il n’y avait pas du tout eu de pause. J’ai l’impression que les gens avaient anticipé que rien ne serait comme avant, une fois la pandémie terminée, mais au final j’ai ressenti l’inverse.

SB : Elder est de retour avec un nouvel album, quel fut le point de départ de cette réflexion autour de ce nouveau disque ?

NDS : En vrai, on ne s’arrête jamais d’écrire de la musique. Ces chansons ont été écrites après Omens durant une période remplie d’évènements bizarres, d’introspection et parfois de désespoir. Je pense que c’était suffisant pour créer ces chansons.

SB : Avec Jack Donovan (bassiste) toujours aux USA, est-ce que c’est compliqué de composer et d’écrire la musique d’Elder ?

NDS : Bien sûr, ça possède de sérieux inconvénients, mais comme je suis le compositeur principal, ça n’entrave pas tellement la façon dont nous écrivons des albums. Ça serait génial si on pouvait répéter les chansons telles qu’elles sont conçues, mais nous nous sommes habitués à cette façon fragmentée de travailler.

SB : Comment fonctionne le processus créatif dans le groupe ? Est-ce que ça débute sur des jams ou bien quelqu’un apporte des idées, les partage avec le reste du groupe et vous composez là-dessus ?

NDS : Généralement, j’écris et j’enregistre des démos de nos chansons que je partage ensuite avec les autres membres. On analyse et corrige ensemble les chansons et, dans la mesure du possible, on se voit pour gérer nos parties ensemble. Sur cet album, Mike Risberg (guitariste), Goerg Eldert (batteur) et moi nous sommes pas mal vus pendant la pandémie pour bosser sur nos différentes parties tandis que Jack nous transmettait ses retours via internet. Une fois qu'on a quasiment eu toute la matière suffisante pour enregistrer, Jack nous a rejoint et on a solidifié les chansons ensemble avant de rentrer en studio.

SB : Elder possède une solide réputation dans la scène Stoner. Est-ce que ça ajoute une sorte de pression au moment de devoir composer et écrire de nouvelles chansons ?

NDS : Je suppose que oui, mais je le vois plutôt comme quelque chose de positif. Notre “mission” a toujours été d’écrire des morceaux de grande qualité. Je pense que notre définition de bonne musique a changé par rapport à celle de certains de nos plus anciens fans, mais je considère que l'on doit délivrer de la musique surprenante à nos auditeurs. C’est vraiment ce qui nous motive. On produit la musique qui nous inspire le plus et c’est tout ce qui compte.

Ce n'est jamais agréable de lire des avis défonçant n’importe quel aspect de ta musique, qu’il s’agisse des compositions, de ton style de jeu ou bien de ta manière de chanter.

SB : Les claviers/synthétiseurs sont de plus en plus présents dans le son d’Elder. Est-ce que c’est difficile de construire l’équilibre parfait entre les guitares et les claviers ?

NDS : Je ne vois pas ça comme une compétition entre les guitares et les synthétiseurs, mais plutôt quel type de son se trouve être le plus adéquat sur telle partie. C’est vrai que depuis quelques années, on est allé de plus en plus dans l’expérimentation de divers instruments et je suis convaincu qu’on est devenus meilleurs pour trouver la place idéale aux instruments annexes. Ce qu’on doit garder à l’esprit cependant, c’est de trouver la meilleure façon de retranscrire ça en live bien sûr...

SB : A quel point est-il difficile de savoir quand terminer une chanson ? En tant qu’auditeur, on a souvent eu cette sensation que vous auriez pu aller plus loin sur telle ou telle idée.

NDS : Quand on sent qu’une chanson est complète, alors on termine. Je suppose que la longueur idéale, de quoi que ce soit, est propre à chacun. C’est une bonne chose si les auditeurs sont avec ce sentiment de pas assez plutôt que de se sentir fatigué d’entendre la même chose jusqu’à l’écœurement.

SB : Est-ce qu’il y a un artiste ou un type de musique qui vous a influencé durant le processus d’écriture ou bien l’enregistrement de cet album ?

NDS : Pas spécialement en réfléchissant bien. Je pense que la majorité de la musique que nous écoutons n’a pas grand chose à voir avec Elder.

Elder Band by Maren Michaelis 133 (De gauche à droite) : Jack Donovan (Basse), Nick Di Salvo (Guitare/Chant), Michael Risberg (Guitare), Georg Edert (Batterie) © Maren Michaelis

SB : Quand Omens fut sorti, on a pu lire pas mal de critiques concernant ta manière de chanter ? Est-ce que ça t’a blessé ou bien tu laisses parler les gens et tu avances sans te soucier de ça ?

NDS : Ce n'est jamais agréable de lire des avis défonçant n’importe quel aspect de ta musique, qu’il s’agisse des compositions, de ton style de jeu ou bien de ta manière de chanter. Après, les gens peuvent parler autant qu’ils veulent. Ce qui compte c’est qu'il s'agisse de ta musique et celle de personne d’autre. J’ai pris de plus en plus de plaisir à chanter avec Elder et j’ai le sentiment qu’Omens est un peu un tremplin vis à vis de notre situation actuelle. Ironiquement, je pense que le problème qu’ont les gens avec le chant sur Omens, c’est la production plus brute qui a poussé le chant en amont du reste. Je suis persuadé que ma performance sur ce disque était meilleure que tout ce qu’on avait fait avant, mais bon, chacun possède son avis !

SB : Sur Innate Passage, on peut retrouver Berhang Alavi (Samavayo) au chant, première fois que vous accueillez un guest sur ce rôle. Qu’est-ce qui a fait qu’il était le meilleur choix pour ce disque ?

NDS : Behrang est un bon ami et un super chanteur avec un talent naturel et un timbre de voix très différent du mien. Dans l’idée de continuer d’apporter de nouvelles sonorités dans le mix, j’ai pensé que quelque chose de plus atmosphérique et étheré en terme de lignes de chant pouvait être un vrai ajout bénéfique au disque.

SB : Sur la dernière tournée, vous n’aviez pas de claviers/synthés sur scène. Est-ce que vous envisagez d’en ramener pour votre tournée pour Innate Passage ? Peut-être avec un musicien en plus pour le live ?

NDS : En fonction de la setlist et de combien de chansons utilisent ces différents types de sonorités, on pourrait pourquoi pas réintégrer les claviers dans nos concerts. Le fait que l'on puisse, ou non, intégrer plus de musiciens en live est en partie une question de budget. Mais ça réside aussi dans notre envie de ne pas sacrifier la puissance de notre son en ajoutant trop de composants. Je pense que la meilleure solution reste de continuer à ré-agencer les versions studios pour le live avec quelques arrangements pour chaque instrument.

SB : Lorsque The Gold & Silver Sessions est sorti, c’était un avant-goût des nouvelles ambitions et du nouveau son d’Elder. Maintenant que vous avez complétement suivi cette voie, peut-on espérer un Gold & Silver Session n°2 ?

NDS : J’aimerais beaucoup que ça soit la prochaine chose que nous fassions mais rien de sûr pour autant ;)

SB : Innate Passage étant votre sixième album, est-ce que ça devient difficile de créer la bonne setlist pour vos concerts ? Avez-vous déjà été tentés de jouer des versions plus longues de vos chansons en live ? Ou alors est-ce que vous préférez rester dans les clous de ce que vous avez créé en studio ?

NDS : C’est un exercice vraiment difficile car nos morceaux sont si longs sur tous nos albums et nous ne voulons pas seulement présenter nos titres les plus récents, mais aussi rendre hommage à nos précédents enregistrements. On a déjà évoqué ensemble le fait d’étendre ou de réécrire des morceaux pour le live mais ce n’est pas quelque chose que nous avons réellement essayé jusqu’à présent. Pour être honnête, nous ne sommes pas le groupe qui improvise le plus !

SB : Quels sont tes projets pour le futur ? As-tu prévu de faire une autre année pleinement consacrée à Elder ou plutôt dédiée à tes autres projets comme Eldovar ou Delving ?

NDS : L’année prochaine nous allons pas mal tourner avec Elder. Concernant Delving, j’ai des nouveaux morceaux en stock et je prévois d’essayer de finaliser un nouvel album cet hiver. Mais à l’heure actuelle, je n’ai pas de tournées sur les planches pour ce projet.

SB : En parlant de Delving, tu as annoncé de nouvelles choses il y a quelques mois. Est-ce qu’on peut espérer un autre album pour ce projet solo ?

NDS : Je l’espère ! Nous avons enfin une petite pause après cette tournée et je suis très inspiré pour finir quelques morceaux sur lesquels j’ai travaillé avant le printemps dernier.

SB : Vous avez repris Voodoo Child (Slight Return) sur l’album Electric Ladyland Redux, pourrait-on vous revoir un jour reprendre un autre morceau ? Et quel album serait le plus adapté pour vous ?

NDS : Non et en rétrospective je pense que c’était une erreur de l’avoir fait. Je ne suis pas fan de reprendre de morceaux et je ne pense pas que ça soit notre point fort.

SB : Elder est sur Stickman Records et nous savons que tu travailles pour ce label. Quelles sont les petites pépites du catalogue ?

NDS : Nous n’avons pas un très grand catalogue actif et surement que la plupart de vos lecteurs connaissent déjà Motorpsycho, King Buffalo, Weedpecker et Papir par exemple. Ce sont tous des groupes incroyables. Nous avons aussi quelques petits noms comme Grotto et Orango et récemment nous avons commencé à collaborer avec deux nouveaux groupes originaires des Pays-Bas : Iron Jinn et Temple Fang. Tous valent le coup d’y jeter une oreille.

SB : Pour terminer, Nick, le dernier mot est pour toi !

NDS : Merci pour cette interview !

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