Carmen Sea - Hiss

Rock chaotique et violon psychédélique

La découverte d'un groupe par ses premières sorties est toujours quelque chose de rafraîchissant. Derrière un nom nouveau qui se présente à nous, il y a tout à capturer. Les univers musicaux qui ont inspiré les artistes, l'esthétique qu'ils cherchent à déployer, les éléments composant la musique et ce qui les font ressortir... Et également, le loisir de pouvoir saisir tout leur potentiel et de comprendre la force qui peut grandir en eux.

Et c'est précisément la découverte d'une première pierre discographique dont il est question aujourd'hui, avec un EP qui nous ouvre les portes de l'univers de Carmen Sea.

Provenant directement de notre bonne vieille capitale, Carmen Sea est un quatuor proposant un rock instrumental invoqué par la batterie de Baptiste Marzano, la basse de Vivien Cheneveau, la guitare d'Etienne Ouradou et le violon de Joachim Baumerder. Le voyage qu'ils nous proposent avec leur premier EP Hiss a clairement pour vocation de nous faire saisir leur vision d'un rock à la croisée des genres, résolument moderne de fait.

CarmenSea Band Carmen Sea - @Théa Capitanio

Il n'y a qu'à se pencher sur le violon pour s'en convaincre. Si dans les groupes de rock contemporain, particulièrement dans la branche néo-classique du post-rock, il n'est pas rare d'entendre l'implémentation de l'instrument, il remplit en général un rôle de soutien ou de soliste classique.


Joachim Baumerder est aux antipodes de cette utilisation. Dès la première seconde de Hiss, on réalise que nous n'allons pas être bercés par des cordes larmoyantes mais bien secoués par des cris fous.
Frames ouvre l'EP avec une attaque frénétique à l'archet. Le son est perçant, strident, agressif. De par la rage avec laquelle le violon est joué et sa position d'instrument lead, Joachim démontre que son outil d'expression est résolument rock. De fait, il colorie immédiatement l'univers de Carmen Sea d'une encre neuve. L'introduction de l'EP est instantanément prenante, conjuguant ce son lead si particulier aux trois autres instruments du groupe qui appuient la danse folle qu'entreprend le violoniste. Le contraste saisi, évoque le metal indus de par sa rythmique marquée nous coupant le souffle, avant de passer le plus naturellement du monde sur une section bien plus mélodieuse, faisant rencontrer math-rock et post-rock.

Carmen Sea Joachim.jpeg Joachim en pleine action

En un titre, nous devinons déjà trois sous-genres que le quatuor a digéré et synthétisé... Et ce n'est pas terminé. Black Echoes emboite le pas à Frames comme s'ils ne formaient qu'une seule et même entité, sauf que cette fois nous nous retrouvons dans des eaux bien plus progressives, auxquelles on aurait hybridé des éléments de musique électronique. La production sonne moderne sans perdre pour autant son grain donnant toute l'ampleur au titre, ce qui sera une constante sur tout le disque.

Nous ne sommes néanmoins pas en présence d'un groupe qui ne propose qu'une seule atmosphère. A Last Call démontre que le quatuor sait prendre son temps : Joachim est ici bien plus en retrait, se faisant pourvoyeur d'ambiance. Anthems For est un titre bien plus contemplatif et cinématographique, les Parisiens le faisant langoureusement évoluer. Mention à Vivien pour sa ligne de basse délicieuse qui nous berce durant toute la montée du morceau.

Comme pour relier ces deux pôles d'intensité, Hiss se conclut sur sa pièce de maître Glow In Space, affichant 11 minutes au compteur. Débutant sur une guitare délicate et sur une ligne de violon feutrée au relent de polar qui servira de fil conducteur, le titre se métamorphose petit à petit jusqu'à sa résolution explosive. Ce morceau marie l’enivrant et le chaotique tout en conservant son accessibilité. La danse hypnotique des riffs et arpèges d'instruments installe une ambiance jouissive où l'auditeur est sans cesse titillé, transporté entre douceur et visions hallucinées, m'évoquant le savoir-faire et la maestria de King Crimson. Une comparaison qui en dit long sur la solidité de l'univers de Carmen Sea.

Hiss est un régal auditif. Résolument moderne, le quatuor se sert de genres existants comme matière première pour forger une musique propre à eux. Fine dans son écriture, riche dans ses dynamiques, ambitieux dans les sons utilisés, la formation dégage une assurance et une énergie fortes et ce dès sa première sortie. Une rencontre plus que convaincante, qui met en lumière le potentiel évident de Carmen Sea, et nous laisse plein d'espoir pour la suite de leur carrière.

Carmen Sea Band 2.jpg @Théa Capitanio
DéfouloirIndice sur l'envie de se défouler que l'on ressent en écoutant l'album. 1/5 : album plutôt tranquille, reposant et serein. 5/5 : album rempli d'énergie on a envie de sauter partout et de rentrer dans le moshpit
EfficacitéLa capacité de l'album à capter et maintenir l'attention de l'auditeur. 1/5 : Vous écoutez l'album d'une oreille 5/5 : L'album vous jette des étoiles dans les yeux et retient toute votre attention
PsychédélismeIndice sur le côté psyché de l'album. 1/5 : On est dans le concret, le dur. 5/5 : vous voyez des couleurs défiler devant vos yeux et la musique vous propose un voyage initiatique en vous-même
FraîcheurIndice de l'apport de neuf que fait cet album. 1/5 : l'album réutilise les codes du genre et fait une bonne soupe avec de vieux pots. 5/5 : l'album invente et innove son style musical
Consigne du maître nageur :
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