Hum - Inlet

Voyage vers les Rocheuses inhabitées

Quand un groupe n’a pas sorti de nouvelle musique depuis près d’un quart de siècle (1998 pour être précis), une question peut se poser : leur style a-t-il évolué, ou est-il au contraire resté dans une bulle temporelle, rendant le groupe démodé ? L’intervalle de 22 ans est si grand (certains chroniqueurs de ce site n’étaient même pas nés) que l’appréhension qu’Hum et leur album Inlet soient restés dans le dernier millénaire est présente.

A l’origine, le quatuor s’est formé à la toute fin des années 80 et a sorti quatre albums durant la décennie suivante, leur 3ème opus You'd Prefer an Astronaut obtenant un certain succès avec son single Stars. Le groupe oscille entre plusieurs genres, la description la plus proche de la vérité étant sûrement rock/métal alternatif. On peut entendre dans les compositions Deftones, Alice In Chains ou d’autres formations de la scène alternative des 90’s, avec une pincée de post-rock/metal et de shoegaze pour se démarquer du reste.

Sorti à la surprise générale le 23 Juin, le dernier effort des natifs de l’Illinois peut déjà interpeller par son artwork : la pochette passée sous un filtre violet présente le Rainbow Bridge National Monument, arche massive de 84m par 90m située aux USA. C’est une manière assez subtile d’évoquer l’album. Pour les non-anglophones, “inlet” peut désigner soit un bras de rivière, de lac ou de mer, soit une entrée (d’air ou de fluide). Les deux significations peuvent convenir à l’album, le premier titre étant nommé Waves. De plus, lorsqu'on sait que le peuple Navajo considérait l’arche comme sacrée, on peut voir Inlet comme une entrée spirituelle.

Hum_band

Comparé aux précédents albums des américains, Inlet allonge la longueur de ses morceaux. Ceux-ci s’étalent sur un peu plus de 55 minutes suite à l’orientation nouvelle du groupe dont la musique a pris une dimension atmosphérique. Cela s'explique par l'utilisation de pédales beaucoup plus présentes que sur le reste de leur discographie, et par un véritable mur de guitares très proche du shoegaze. Le son, comme l’arche, est massif et prend tout l’espace du spectre sonore à la manière d’un Devin Townsend dans sa carrière solo. Mais Inlet n’est pas qu’un parpaing auditif : l’album est parsemé d’instants reposants et contemplatifs. La seconde partie de Folding en est un excellent exemple, le morceau se finissant par une piste d’ambiant par-dessus laquelle le groupe joue avec ses effets.

Hum se plaît à laisser courir certaines sections pour que l’ambiance imprègne vraiment l’auditeur. On peut notamment penser à The Summoning, magnifique titre dont le riff principal est répété plusieurs fois pour qu’on prenne conscience d’être infime face à la force de la nature. Desert Rambler fait de même sur sa fin. Le côté atmosphérique d’Inlet se ressent aussi dans les parties plus calmes, où les guitares clean appuyées par des effets posent un climat tout en subtilité, comme suspendu dans le temps. Le tempo est par ailleurs plutôt lent ou modéré au long de l’album, renforçant de ce fait l’immersion du chanceux découvrant la dernière livrée du groupe.

Le groupe n’oublie pas pour autant ses racines avec des morceaux les plus courts. Step Into You et Cloud City pourraient très bien passer dans une compilation de la scène alternative des 90’s. L’album, malgré sa nouvelle direction, garde un son assez proche des précédentes sorties des américains, bien aidé par la voix de Matt Talbott qui n’a quasiment pas changé.

Les paroles ne sont pas en reste non plus : les huit chansons s'unissent sous les mêmes thèmes. Dans chaque morceau sont évoqués un voyage et une personne que le parolier a connu et aimé. La nature du trajet est bien souvent laissée à l'interprétation : ce peut être un voyage simple, de l'esprit, dans le temps, ou encore un voyage dans l'au-delà. La nature est présente partout dans les vers écrits par Hum : des cerfs, des arbres, des oiseaux, des rochers, etc... Toute la faune et la flore accompagnent les périples racontés. Avec l'origine du groupe et la pochette, il est facile de s'imaginer dans les montagnes américaines, mais vous êtes libres de choisir le lieu à explorer avec le quatuor.

Après 22 ans, Inlet est un nouveau départ, une nouvelle entrée pour Hum. Le groupe explore et nous fait visiter de nouveaux horizons au milieu d’une nature évoquée par les accents post metal et shoegaze de ses six-cordes. Cet album a le don de vous détacher très vite de votre quotidien et de vous transporter au milieu des Rocheuses. Un voyage dont l'aboutissement, avec son morceau de clôture Shapeshifter, se fait tout en douceur au fond d’une vallée à l’ombre du soleil se levant au loin, allongé dans un état de plénitude assurément atteint après l'écoute d'Inlet.

ImmersionIndice de l'immersion dans le voyage musical. 1/5 : l'album s'écoute les pieds bien au sol 5/5 : l'album vous emmène dans un tunnel de couleur et de sensations
FluiditéA quel point l'album est digeste sur la durée de l'écoute. 1/5 : Chaque note parait plus longue que la précédente. Cela peut être une bonne ou une mauvaise chose 5/5 : L'album s'écoute facilement, le temps passe vite
ClartéL'album est superbement produit, le son est de velour et vous donne envie de jouir, 5 sur 5. Si au contraire, l'album est produit avec des jouets toys'r'us; et donne envie à vos oreilles de saigner de s'autoflageller avec un port jack de 1.5m, alors 1 sur 5
Consigne du maître nageur :
Bouteille de plongée
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"Inlet"