Yawning Man - Live At Giant Rock

Voyage gratuit vers la Californie

La musique live est quelque chose qui nous manque cruellement. En ces temps de Covid-19, imaginer voir un groupe performer devant nos yeux est devenu un mirage. Dans ce désert de sons, il est un groupe qui a décidé de renouer avec sa base la plus pure. Retour vers le futur.

À la fin des années 80, la jeunesse californienne est divisée entre les habitants des grandes métropoles et ceux piégés à l'entrée du désert aride et brûlant. Pour ces derniers, les occasions de se divertir étaient maigres. Comme souvent dans ces moments d'ennui profond, la musique est une bouée. Une bonne partie des ados de Palm Springs va prendre des baguettes, une guitare, une basse et va apprendre sur le tas. Il est néanmoins important d'avoir une sorte de mentor, de guide. Un gourou qui va mener vers la réussite. Il s'avère que le désert possède un sorcier qui allumera les braises du Desert Rock : Mario Lalli.

Jouer de la musique dans des garages c'est toujours sympa, mais pouvoir exprimer son art avec comme décor les étendues de sable et surtout aucun voisin, c'est une chance incomparable. Ce brave Mario va être à la base de ce qu'on appelle les "Generator Parties" : de grands concerts alimentés par des générateurs à essence permettant de donner suffisamment de courant aux amplis & autres lumières de cette scène en pleine nature. Et si certaines entités vont surfer sur leur héritage punk ainsi que sur la vague grunge pour sortir un rock aride et sec (coucou Kyuss), d'autres vont profiter de l'endroit pour laisser parler leur créativité.

Toute cette musique créée dans le désert va alors être regroupée sous le nom de stoner rock suite à une compilation de Roadrunner Records nommée Burn One Up! Music For Stoners et sortie en 1997. Un terme finalement bien trouvé puisqu'il désigne des personnes usant de substances récréatives à foison, notamment le cannabis pour ne citer que lui. Cela correspondait bien à l'état des jeunes de l'époque qui se réunissaient au coucher du soleil pour picoler et fumer tout en profitant des concerts qui se déroulaient devant leurs yeux. Dans toute cette fanfare, Yawning Man va se démarquer par son côté psychédélique accru et son sens du riff monstrueux. Pendant la durée de vie des "Generator Parties", le quatuor, devenu trio au fil des ans, va régaler le public de ses jams à foison. De quoi marquer à vie un certain Brant Bjork.

"Yawning Man était le meilleur groupe du désert.[...] Ils étaient le groupe du coin, c’était planant, mystique ; les gens pouvaient tripper et ils jouaient comme ça pendant des heures… C’est le meilleur groupe que j’ai jamais vu !"

Un groupe qui va tellement influencer Bjork et ses amis que Kyuss va sortir un titre nommé Catamaran en 1995 sur And The Circus Leaves Town. Une chanson qui est en fait une reprise d'un des morceaux de Yawning Man, qui finira par le sortir en 2018 sur The Revolt Against Tired Noised. Mario Lalli et ses compères sont un peu les gardiens du temple. Un vestige d'une époque et de pratiques mortes aussi vite qu'elles sont apparues. En cela, Live At Giant Rock est une magnifique madeleine de Proust pour tout ceux qui veulent vivre un peu cette ambiance des "Generator Parties". Pendant 40 minutes, si on omet la bonus track, le rock psyché des Californiens va couler dans vos oreilles comme la bière coulait dans les gosiers des spectateurs du désert bluffés par la créativité du groupe. Mention très spéciale à la piste d'ouverture nommée Tumbleweeds In The Snow.

Le live possède également une édition DVD qui permet de se rendre compte de l'immensité du désert. Le plus marquant se situant dans les premières images : Mario Lalli, allant derrière la scène improvisée pour allumer un générateur, comme à la belle époque des "Generator Parties". Les plans du concert sont entrecoupés d'images majestueuses d'une Californie sous le soleil brûlant. Un concert prévu pour être enregistré à trois endroits différents à la base du projet. Le manque de temps restreignant le trio à se regrouper au Giant Rock, aire située à Joshua Tree, sacrée pour les Amérindiens devenue refuge pour les adorateurs d'OVNI dans les années 50. Un choix logique pour Mario Lalli qui en parle comme d'un endroit "frappant" et "magique" dans une interview pour Desert Sun.

"C'était important pour nous de faire ce qu'on a toujours fait quand on se retrouve dans le désert — on a juste jammé"

Le mieux pour profiter de cette œuvre est de tout oublier. Coupez-vous des réseaux sociaux, posez vos téléphones à distance, chaussez votre casque audio le plus qualitatif, fermez vos yeux et profitez du voyage que le trio vous propose. En cette période plus que compliquée, avoir la possibilité de pouvoir être transporté dans le désert californien est une chance. Couplé à cela, la possibilité de remonter dans le temps et de s'imaginer dans une Generator Party, c'en devient luxueux. Nous devons chérir ces groupes qui sont des cartes postales vivantes d'une époque révolue et pourtant toujours active. Sans Mario Lalli, pas de desert rock, pas de stoner tel qu'on le connaît, pas de Kyuss, pas de Josh Homme. Outre la qualité intrinsèque de la musique sur ce live, ce sont tous ces facteurs qui rendent cet album essentiel et formidable. Alors merci Monsieur Lalli, merci pour tout.

ImmersionIndice de l'immersion dans le voyage musical. 1/5 : l'album s'écoute les pieds bien au sol 5/5 : l'album vous emmène dans un tunnel de couleur et de sensations
PsychédélismeIndice sur le côté psyché de l'album. 1/5 : On est dans le concret, le dur. 5/5 : vous voyez des couleurs défiler devant vos yeux et la musique vous propose un voyage initiatique en vous-même
TempératureIndice du mood général de l'album : 1/5 = froid, musique globalement maussade, négative, voire violente 5/5 = chaud, musique très joyeuse voire festive
Consigne du maître nageur :
Bouteille de plongée
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Yawning Man
"Live At Giant Rock"