CDV #05 - Periphery IV "Hail Stan"

Carnet de voyage

Comme le navigateur, le mélomane cherche toujours de nouvelles destinations. Il tient le registre de ses expériences, le souvenir de ses plus beaux lieux d’égarement profondément enfoui dans sa mémoire.

Il maintient la liste à jour, la conservant précieusement en lui.

Ainsi chaque nouveau carnet est comme un mini-sanctuaire dédié à la mémoire de ces œuvres qui ont marqué son voyage.

Puisque la musique se partage, comme l’océan, je me propose pour reparler à travers ces carnets d'œuvres qui par malheur, par bonheur ou par hasard ont croisé ma route.


Incontournables

Periphery a réinventé la façon de percer dans la musique rock et metal des années 2010. C’est d’ores-et déjà un monument du metal technique orienté djent et prog, ayant tiré derrière eux de nombreux autres groupes. Misha Mansoor (guitariste) est un pionnier de l’exportation de la musique metal directement sur internet. Depuis l’époque de leurs premières sorties en 2010, la bande originaire de Bethesda (Maryland) a parcouru beaucoup de chemin. Plutôt sceptique à l’égard de la formation américaine, votre chroniqueur fait partie de ceux leur ayant préféré d’autres gros noms de ce qu’on pourra appeler la mouvance ’’djent’’. Periphery est une formation comme on pense en entendre de nombreuses sur la scène dont ils sont à de nombreux égards le fleuron. Leur visée est claire : celle de mener la barque et d’être un incontournable du genre. Ils ont sans conteste réussi, sans discussion possible. Néanmoins il subsistait jusqu’à ce dernier opus des problèmes pouvant limiter l’accès au groupe. Spencer Sotelo, le chanteur maintenant attitré depuis longtemps, semblait avoir toujours été un des points les plus épineux du groupe pour les curieux. Sa voix assez aiguë et poussive a été longtemps clivante. Cet album va changer ce narratif, et ma perspective du groupe.

Sotelo.jpg Spencer Sotelo - Tournée pour l'album "III", source photo : Loudwire, Liz Ramanand dans l'article https://loudwire.com/periphery-spencer-sotelo-new-album-band-chemistry-songwriting-process-more/
Énergie brute, dosage parfait

Cependant, la critique (parfois assez virulente) s’est semble-t-il trompée. Le groupe s’est chargé de montrer qu’avec sa voix particulière, il était possible de taper juste et fort. La manière dont ils l’ont fait ? Assumer leur identité au maximum et fournir une énergie démentielle. C’est en février 2019 qu’ils ont annoncé la couleur avec Blood Eagle, premier single de leur album IV. Une introduction dont la décharge de brutalité métallique ne saurait être imitée que par un paquebot déchu des cieux. Le morceau montre un son dont le tranchant est celui des meilleures œuvres métal de la dernière décennie. Il possède en plus une générosité délivrée avec une justesse et un timing si simple et puissant qu’il donne un résultat prévisible: l’addiction. Il n’était possible que d’accepter ce tour de force à l'époque. Le groupe délivre une performance certes poussive, agressive et presque animale mais justement, la voix est l’arme maîtresse de cette agression menant la charge et portant les mouvements du morceau. Elle se fait brutale, puis sournoise, tantôt rude tantôt suave. Elle est la plupart du temps complètement possédée par « Stan ». Le morceau avait conquis. Le public allait, sans doute, accueillir à bras ouverts une grosse heure supplémentaire de riffs destructeurs.

Après 2 mois d’attente, le groupe ne se fit pas prier. Reptile avec ses hymnes fédérateurs, ses accents mélodramatiques et son aveu de l’ascendance progressive du groupe prouva qu’ils en avaient encore sous le coude. L’album se montre donc rapidement très mouvant et changeant. Periphery prend des accents d’un groupe de métal quasi pop au travers de la voix, des arrangements et sur les refrains dont les structures sont très efficaces. Le chant en témoigne, selon moi, le plus fidèlement. Sotelo est à l’image du tout, d’une justesse et d’une maîtrise frôlant la perfection, tout en débordant par son énergie incontrôlable, se permettant des écart osés et une interprétation frontale, sans concessions. La palette de textures, de samples dont se parent les transitions et les interludes pour assurer l’équilibre de l'œuvre est excellente (Reptile, Crush, Sentient Glow, Satellites font mouche). Ce dernier morceau, qui canonise une heure de cavalcade métallique prog et accessible est un bijou. Il y a bel et bien une sensibilité dorée cachée par cette couverture noire et blanche. Pour cela, l’intégralité de l’album a marqué durablement de nombreux auditeurs, dont votre dévoué chroniqueur.

DéfouloirIndice sur l'envie de se défouler que l'on ressent en écoutant l'album. 1/5 : album plutôt tranquille, reposant et serein. 5/5 : album rempli d'énergie on a envie de sauter partout et de rentrer dans le moshpit
EfficacitéLa capacité de l'album à capter et maintenir l'attention de l'auditeur. 1/5 : Vous écoutez l'album d'une oreille 5/5 : L'album vous jette des étoiles dans les yeux et retient toute votre attention
DélicatesseIndice de la douceur de l'album. 1/5 : l'album est assez sec. 5/5 : l'album est un champ de coton
Periphery IV Hail Stan
Periphery
"Periphery IV "Hail Stan""