Gary Moore - Blues Alive

Pleurer n’a jamais été si beau

Il n’y a pas si longtemps, je vous parlais de Thin Lizzy, groupe influent et pourtant peu connu en dehors de l’Irlande. Gary Moore, qui a par ailleurs été dans le line-up du groupe, a peut-être subi le même sort en tant que guitariste. Talentueux, versatile, reconnu par ses pairs et descendants spirituels, il n’a surement pas autant marqué la scène mainstream qu’il aurait dû. Né en 1952 et hélas décédé en 2011, le Nord-Irlandais a évolué dans une multitude de genres : si pendant les décennies 70 et 80 l'homme a expérimenté en passant du prog au hard rock et au metal, il s'est penché sur le blues au tournant des années 90, moment où il a trouvé les plus grands succès de sa carrière. À chaque nouveau style, il adapta son jeu à la six-cordes qu’il maniait comme personne, un concert étant meilleure occasion de pouvoir admirer son aptitude à faire briller son instrument. Si pendant sa période heavy cela s’est concrétisé avec We Want Moore!, pour la partie blues de sa carrière c’est avec Blues Alive que le guitariste a démontré qu’il était habité d’une émotion incomparable en live qu’il transmettait avec brio à l'aide de sa Les Paul.

Extrait de sa tournée de 1992, cet album est un collage réalisé sur plusieurs concerts à Los Angeles, Paris et Londres. La plupart des titres performés sont tirés des deux disques sortis depuis son tournant vers le blues : Still Got The Blues sorti en 1990, puis After Hours produit deux ans plus tard. Sur les 76 minutes que dure Blues Alive, Moore va nous exposer sa capacité à jouer autour du genre et de ses multiples facettes : que ce soit le blues endiablé, festif, reposé, triste ou pleurant, le natif de Belfast va poser sa patte et nous emmener avec lui.

Pour ce qui est du versant le plus joyeux du blues rock, dirigez-vous vers Cold Day In Hell, Since I Met You Baby, Too Tired ou Further Up The Road. Là, Gary va user de son groupe à grands renforts de cuivres et de claviers pour vous faire danser et swinger avec lui. On retrouve des éléments de soul pour un rendu énergétique qui vous filera la pêche à coup sûr. Évidemment, l’artiste y joue ses soli les plus rapides, parfois en duel avec d’autres musiciens, pour faire ressentir cette joie de vivre libératrice.

Du côté plus calme et relaxé, on trouve Story Of The Blues, The Sky Is Crying ou Jumpin' At Shadows. Le band y joue un blues plus classique, avec un tempo plus lent et les suites d’accords traditionnelles du style. On y entend l’influence de B.B. King dans les licks de guitares, avec lequel il a coécrit Since I Met You Baby. Des morceaux à écouter lors d’une fin d’après-midi ou pendant une journée chaude et pluvieuse, transpirant l’Amérique du milieu du 20ème siècle, notamment sur le partie centrale de The Sky Is Crying.

Quant à la face plus mélancolique du blues, si ce n’est pas l’aspect le plus présent de l’album, il y a de grandes chances que ce soit le plus marquant. Separate Ways, Still Got The Blues ou Parisienne Walkways (coécrite avec Phil Lynott de Thin Lizzy) sont de déchirants crèves-cœur où Moore va aller chercher avec ses six cordes celle, sensible, de notre battant. Par-dessus des sections rythmiques basse-batterie-clavier simplistes, la guitare nous emporte avec elle dans les amertumes amoureuses du blues, partageant avec elle l'indescriptible peine de son musicien.

blues_alive_1993.png Capture extraite du concert "Live Blues" enregistré à Londres en 1992

Je parlais plus haut “d’aptitude à faire briller son instrument” : j’estime que pendant ces treize chansons (dont six sont des ré-interprétations), Gary développe la quintessence de son jeu. Car si le Celte fut un très bon chanteur, c’est grâce à sa Gibson Les Paul Sunburst héritée de Peter Green qu’il a fait vibrer le monde du blues. Ici l’instrument tient la place centrale du groupe, c’est elle qui délivre l’émotion, supportée par le reste des musiciens. Sur ce disque, les amplis vont cracher toutes sortes de couleurs, des plus brillantes aux plus désaturées et les doigts experts de l’artiste vont permettre qu’elles ressortent plus que sur n’importe quel autre de ses albums. Les arrangements des compositions aident bien, les performances étant animées par un côté rock bien trempé les dynamisant avec efficacité. C’est une évidence si on compare les reprises aux originales qui étaient bien plus contenues qu’ici. La six-cordes en ressort plus puissante et impactante qu’avec une structure blues plus classique. Il faut dire que l'héritage de son passé du côté du metal se ressent dans ses soli, leur donnant une identité distincte et se mélangeant étonnant bien avec le blues.

C’est aussi sur Blues Alive que Moore va trouver le parfait équilibre entre reproduire ses solos à la note près et partir dans les interminables fioritures de guitar hero virtuose qu’il avait l’habitude de jouer. Prenons en exemple son solo en intro de Walking By Myself, qui n’existe pas sur la version studio : l’ajout où le Belfastois fait preuve de son impressionnante technique dure juste ce qu’il faut pour chauffer l’audience avant un couplet et un refrain débordants d’énergie. C’est une constante plus qu’appréciable sur l’album, le guitariste improvise sans jamais atteindre la note de trop, tout en gardant une expressivité folle et une brillante subtilité avec sa maîtrise des silences.

Mais s’il n’y avait qu’une chose à retenir de son jeu, ce serait la suivante : personne n’a jamais fait pleurer une guitare comme Gary Moore, en particulier ici. Still Got The Blues et Parisienne Walkways en sont les témoins, rarement des bends n’ont véhiculé autant d’émotion qu’avec ses doigts. Il y a quelque chose d'incroyablement libérateur qui se passe quand le frontman pousse ses cordes à fond, une profonde catharsis purgeant tout mal bloqué en nous jusque là. À ce jour, le solo final de Parisienne Walkways suivant le célèbre et interminable sustain a toujours sa place dans mon cœur, l’auteur utilisant sa palette complète avec shred, bend, vibrato, silence, émotion et finesse pour le faire se serrer dans ma poitrine avant de l’apaiser. Chose que termine d’achever la calme Jumpin’ At Shadows qui enchaîne et conclut l’album.

Pour découvrir la carrière blues de Gary Moore, Blues Alive est l’album à écouter. On y retrouve les meilleurs titres de son répertoire, électrisés par l’ambiance des concerts où il a été enregistré. Mais si les chansons sont assurément belles, c’est la guitare qui pousse et élève l’ensemble pour dévoiler le talent de celui qui la manie et toutes les nuances de son jeu. Allié à un rock que le Nord-Irlandais n’a jamais quitté, le blues qu’il joue est une porte d’entrée très accueillante pour tout néophyte, qui bougera sur le rock des premiers morceaux avant de s’incliner plus tard sous les larmes de la Les Paul Sunburst. Le mariage entre le blues et le hard rock n'a jamais été aussi beau qu'avec le regretté musicien.

DélicatesseIndice de la douceur de l'album. 1/5 : l'album est assez sec. 5/5 : l'album est un champ de coton
Joie de VivreComment l'album va impacter votre humeur. 1/5 : Tout est noir et triste, et si je me roulais en boule ? 5/5 : Tout va bien, je souris avant tout.
DéfouloirIndice sur l'envie de se défouler que l'on ressent en écoutant l'album. 1/5 : album plutôt tranquille, reposant et serein. 5/5 : album rempli d'énergie on a envie de sauter partout et de rentrer dans le moshpit
Consigne du maître nageur :
picto 1.png
Slip de bain

Gary_Morre_Blues_Alive
Gary Moore
"Blues Alive"