Sortir de bons albums, c'est bien, faire de bonnes prestations en live c'est encore mieux et sur ces deux points, Kadavar a une fâcheuse tendance à souffler le chaud et le froid. Capable d'être le meilleur groupe de rock puis de devenir une entité lambda, le trio a toujours eu du mal à conserver un certain niveau de constance. Maintenant, nous sommes en 2025 et nos Allemands reviennent avec I Just Want To Be A Sound, titre piqué a une maxime de Simon Bouteloup, de surnom Dragon, bassiste du groupe. Un disque porté par le vent du changement qui emmène l'embarcation du groupe depuis quelques années.
Avant toute chose, un brin de contexte. Kadavar est un groupe devenu culte dans la sphère Stoner Rock tombé au meilleur moment avec la vague Revival 70’s. Via une influence Black Sabbath revendiquée, les Allemands sont devenus les leaders du Sabbath Worship, sous-genre officieux offrant la part belle à une musique sentant bon Birmingham en Angleterre. De leur éponyme en 2012 jusqu’à For the Dead Travel Fast en 2019, le trio offrira des avalanches de riffs, tantôt ensoleillés, tantôt pesants mais toujours efficaces et prenants. De quoi leur permettre de gravir les échelons et s’attirer quelques critiques sur une certaine répétitivité dans leurs albums.
Arrive 2020 et son confinement terrible pour tout le monde mais offrant un espace de création pour énormément de groupes. Pour Kadavar, il sera l’occasion de s’ouvrir à un univers beaucoup plus Pop avec The Isolation Tapes, disque offrant un contrepied complet par rapport à leurs albums précédents et une tentative réussie de bulle d’air. Un an après, les trois lurons s'associent à Elder, privé de Jack Donovan resté aux USA, pour faire le projet Eldovar, album collaboratif excellent et virant dans des versants plus psychédéliques.
Ces deux dernières sorties marqueront la fin du Kadavar que l’on connaît puisqu’en 2023, un second guitariste rejoindra Lupus, Tiger et Dragon. Jascha Kraft ajoutera des lignes de gratte mais aussi quelques touches de claviers sur la musique des Allemands et ce changement de line-up allait forcément apporter son lot de questions, notamment sur leur futur. Il aura donc fallu attendre quatre ans pour avoir de la fraîcheur sonore en provenance de Berlin avec un single et l'annonce d’un septième album, huitième si l’on compte Eldovar dans la liste.
Nouvelle identité pour nouveau son : I Just Want To Be A Sound dénote de par son côté ensoleillé et son ambiance globale sortie tout droit d’un disque de MGMT. Pour l'accompagner, on retrouve la pochette du disque très colorée, à l’inverse des précédents travaux graphiques du groupe. Disparu le gros logo et l’ambiance feutrée, bienvenue le style psychédélique too much et les couleurs pétantes toutes droit sorties d’un trip sous LSD. Une bonne façon de nous surprendre pour mieux nous ramener sur le sentier battu avec le deuxième single : Hysteria.
Rien à voir avec l’envolée lyrique d’un Muse, cette “hystérie” évoque l’aliénation actuelle, entre doomscroll, afflux de news constant et perte de repères. Ce titre se veut prenant, puissant et inquiétant, trois sentiments très bien répliqués dans la musique et ce son plutôt lourd, quelque chose qu’on avait vu auparavant chez les germaniques avec Into The Wormhole. Et ce n'est pas la seule piste qui suinte le vieux Kadavar puisque Scar On My Guitar se rapproche de l'énergie d'un Die Baby Die.
Maintenant, le quatuor s'est principalement éloigné de ses jeunes années pour rester proche de leurs sorties récentes. Le titre Star aurait clairement eu sa place sur The Isolation Tapes tandis que Sunday Mornings propose ce mélange des genres qu'on a pu apercevoir sur Eldovar. Emplie de textures duveteuses, Lupus nous invite à nous laisser flotter à la surface de cet étang de nonchalance. Les nombreuses couches de synthé viennent alors nous dorer l’épiderme tandis que, lors des refrains, des samples de sonar étouffés viennent clapoter à nos oreilles immergées. Mais dans sa seconde moitié, le morceau explose progressivement avec l’arrivée de la batterie. On se retrouve la tête sous l’eau à boire la tasse de toutes ces sonorités sirupeuses pour se retrouver à ne faire plus qu’un avec le bassin au moment où revient le refrain.
De manière générale, le son est beaucoup plus proche du Rock des années 60 avec l'ombre des Beatles planant aux alentours, la clôture Until The End proposant les exemples les plus prégnants via l'utilisation de la sitar ou bien le pont faisant écho aux travaux des Fab Four. L'influence de la Pop est évidemment présente et ce qui frappe le plus est la qualité des refrains et leur efficacité redoutable. Kadavar est certes coutumier du fait, il n'y a qu'à écouter Die Baby Die, mais on sent que ce disque a poussé les potards à fond. L'enchainement Hysteria/Regeneration/Let Me Be A Shadow offre une triplette de refrains allant se loger dans votre occiput sans payer un seul euro de loyer. Tour de force majeur que ces trois titres sont sur des ambiances bien différentes mais pourtant, l'envie irrépressible de chanter ou bien de sortir ses meilleures baguettes d'air batterie est bien là. Le groupe n'a pas hésité à doter certaines lignes vocales d'harmonies très bien senties. On en retrouve notamment sur la chanson titre, sur Truth ou bien encore sur Regeneration, véritable concentré de vitamine C. Ce morceau a tout ce qu’il faut pour devenir le tube de l’été de la sphère psychédélique. Une intro simple, prête à surgir à l’improviste dans votre crâne, un titre répété à outrance, des refrains composés d’une unique phrase, et une absence de solo font du single un cocktail sucré à consommer sans modération, lunettes de soleil sur le nez.
Il réside des petits regrets à l'écoute de ce disque, le premier étant la place de Regeneration sur la tracklist. Ses paroles en faisait un opener en puissance mais le groupe s'est décidé à placer la piste en troisième position, dommage. Aussi, on peut noter un milieu de disque un peu plus faible, la doublette finale Star/Until The End relançant l'intérêt pour cet album. Il réside quand même des moments très intéressants sur cette partie centrale : la fin plus endiablée de Sunday Mornings ou encore le petit bonbon sucré qu'est Truth sont très agréables à l'écoute. Mais difficile de lutter face aux quatre pistes d'ouverture du disque.
Kadavar fait donc le pari de continuer sur le chemin tracé par ses premières sorties de la décennie actuelle et on peut dire que c'est réussi. Le mélange Pop et Rock se fait avec fluidité, les idées sont nombreuses et on ressort de l'écoute du disque avec l'envie d'y retourner. Il semblerait donc que le quatuor ait trouvé sa patte sonore, surement celle qui les définira pour le futur. De quoi répondre à la question sous-jacente posée par le titre du disque. Ils voulaient être un son, ils ont tapé juste.

Kadavar
"I Just Want To Be A Sound"
- Date de sortie : 16/05/2025
- Genres : Rock, Pop Rock
- Origine : Allemagne
- Site : https://www.kadavar.com/