Graveyard - 6

Douce mélancolie

Dans un monde allant de plus en plus vite, nous sommes constamment en recherche de nouveautés de la part de nos formations favorites ou de groupes encore méconnus à nos oreilles. Il faut suivre les algorithmes et rester sur le devant de la scène, dure réalité qu'est le marché moderne de la musique. Embrassons Architects qui suit ceci un peu trop à la lettre, nous ayant offert un album particulièrement peu inspiré l'an passé, un an à peine après For Those That Wish To Exist. Les Anglais auraient dû prendre leur temps comme Graveyard, qui a attendu cinq ans pour offrir un successeur à Peace.

Avec le temps, les Suédois ont construit une belle réputation sur la scène Stoner, plus particulièrement la branche Blues Rock. Le quatuor sait manier les ambiances, le tout porté par la voix rauque et puissante de Joakim Nilsson. Pourtant, le combo est passé tout proche de la mort en 2016, annonçant un split au grand désarroi de son public. Heureusement, quelques mois de pause auront suffit pour raviver la flamme et un changement de batteur plus tard, Graveyard marque son retour avec Peace, son cinquième album. Ambiance rock'n'roll furieux et accueil plus que chaleureux des fans, heureux de retrouver une formation ayant marqué les esprits, notamment avec Hisingen Blues sorti en 2011.

Le groupe aurait pu surfer sur la vague créée par ce disque, mais ils sont du genre patient. Surtout quand au milieu de tout ceci se greffe une pandémie mondiale. Le Covid a mis un coup dans l'aile du groupe, permettant aux musiciens de passer du temps avec leurs proches mais freinant leurs velléités artistiques. Fort heureusement, le retour à la normale aura relancé la machine, 6 débarquant pour l'automne, choix plus que judicieux.

Graveyard, via sa nouvelle sortie, ne va pas s'inscrire dans la continuité de Peace, bien que le premier single Twice aurait pu le laisser poindre. Mais la folie rock de ce court titre n'est que passagère dans la tracklist. Et si Just A Drop est dans une veine similaire, les moments punchy seront bien plus subtils, laissant place à la mélancolie et aux ambiances. À travers les neuf pistes, on voyagera, bercé par la voix sensuelle d'un Joakim Nilsson toujours au sommet dès que le tempo se ralentit. On pourra l'observer dès l'ouverture sur l'excellente Godnatt.

Le rythme se veut lent, l'ambiance plombée. On pourrait s'imaginer un western avec cette bande-son, une impression que l'on retrouvera sur les titres I Follow You ou Bright Lights. Le refrain au chant doublé vient sortir l'auditeur de sa torpeur, sans pour autant le brusquer. L'orgue Hammond en fond caresse les oreilles et vient offrir une toile de fond parfaite. Cette première piste est superbe et on pourrait questionner l'enchaînement avec Twice, peut-être trop brusque, trop tôt.

Il est de coutume d'avoir des pistes calmes au milieu d'albums Rock voire Metal pour offrir une respiration mais ici, on est dans le scénario inverse, les moments plus énergiques contrebalancent avec l'ambiance morose globale. C'est pour cela qu'on retrouve Just A Drop après un tunnel de trois pistes sombres mais magnifiques. En premier lieu, I Follow You permet une transition réussie avec Twice, le morceau offrant une ambiance Boogie avec quelques petits moments plus Rock alternant avec un Blues plombé soyeux.

Vient ensuite le second single, Breathe In Breathe Out. Joakim Nilsson y invoque son Mark Lanegan intérieur, soutenu par quelques chœurs féminins très bien sentis, tandis que la deuxième partie du morceau aborde une teinte évoquant les Doors sur le jeu des guitares, ainsi qu'avec l'orgue en fond. Enfin, la ballade Sad Song, portant très bien son nom, chantée par le bassiste Truls Mörck, coutumier du fait, sur les précédents disques. Et bien qu'il apporte une touche de douceur à l'album, on peut regretter que Nilsson ne soit pas derrière le micro tant l'ambiance aurait pu être décuplée par sa puissance vocale. La possible dimension épique et prenante laisse place au spleen et à la tristesse, collant très bien avec le titre. Mais quand on a offert au monde Slow Motion Countdown, The Siren ou Low (I Wouldn't Mind), on peut avoir un petit goût de "Et si" qui reste en bouche.

Les deux dernières pistes offrent une belle fin à l'ensemble et chacune du duo aurait pu avoir la place de fermeture sans que cela ne soit choquant. No Way Out offre une perspective plus enjouée avec cette fin aux relents Gospel et sa montée en puissance tandis que la vraie fermeture, Rampant Fields, se calque plus sur la structure d'un titre comme Uncomfortably Numb, présent sur Hisingen Blues. La différence réside dans la fin de la chanson, le premier rebouclant avec son riff d'intro très doux et posé, contrairement à la chevauchée finale du deuxième cité. Ce qui en fait un épilogue assez représentatif de ce 6, mélangeant les ambiances calmes et électriques mais offrant ses dernières secondes au blues enfumé, présent sur la majorité de la tracklist.

Pour son sixième opus, Graveyard est parti à contre-pied de ce qu'on aurait pu attendre. Une décision qui pourra surprendre les fans les plus fidèles mais qui n'est pas tant une surprise quand on se penche sur leur discographie. Bien que le rock plus enlevé ait été à la carte de la majorité des albums, il a toujours résidé en fond cette vibe bluesy plus lancinante collant parfaitement avec le timbre de Joakim Nilsson. Le chanteur principal est dans son élément sur ce disque, offrant une performance parfaite du début à la fin. Les incursions d'orgue apportent ce petit coté fantomatique bienvenu tandis que le duo basse/batterie est un soutien sans faille. Très peu de fioritures et de la justesse, ce qu'on attend d'une section rythmique dans ce genre de formation.

Avec ses 38 minutes au compteur, ce disque est un parfait compagnon pour les soirées automnales. La mélancolie et la tristesse qui émanent des titres collent parfaitement avec le spleen qui s'associe à cette saison. Graveyard laisse de coté le rentre-dedans pour du plus subtil. Cet album doit se laisser s'infuser telle la tisane que vous allez siroter. Le temps est gris, maussade, l'avenir pas franchement emballant, autant que notre bande-son soit soyeuse, même dans la noirceur.

Joie de VivreComment l'album va impacter votre humeur. 1/5 : Tout est noir et triste, et si je me roulais en boule ? 5/5 : Tout va bien, je souris avant tout.
MélancolieL'album inspire plus ou moins la mélancolie, les sentiments maussades et embaumés d'un vague à l’âme. 1/5 : Vous ressentez une légère pique de tristesse. 5/5 : Vous êtes plongé dans les tréfonds du spleen
ViolenceIndice de la violence de l'album. 1/5 : l'album est doux et vous susurre des paroles réconfortantes. 5/5 : l'album vous hurle dessus et vous insulte en bosniaque sous-titré slovaque
Consigne du maître nageur :
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Slip de bain

6 Graveyard
Graveyard
"6"