La Prise #16 - MYRONE - Exclusive Coupé

Au milieu d'albums anodins se trouvent parfois des chansons à la qualité indéniable, trésors sous-marins dont les oreilles attentionnées entendent l'appel. En d'autres occasions, ces perles sont des singles perdus au fond de l'immense océan musical, lâchées discrètement par des artistes inconnus du grand public. Tout comme nos Passages surlignent des instants impactant d'un titre, cette chronique veut faire remonter à la surface ces morceaux à côté desquels on serait passé. Et nous savons que la Prise du jour sera bonne.

Il est 22 heures et les températures sont assez douces en cette soirée estivale, malgré l'heure qui commence à se faire tardive. Vous venez juste de quitter vos amis après une soirée fort plaisante, alors que les dernières lumières du soleil s'effacent finalement. La soirée étant un peu trop loin de votre domicile pour s'engager dans une expédition à pied, vous avez pris votre voiture qui vous attend sur le bord de la route. N'ayant pas envie de rentrer directement chez vous, vous décidez de prendre un détour. Après tout, les lignes droites, terres-pleins, ralentisseurs et dos d'âne, très peu pour vous : ce sont les routes sinueuses, serpentant à travers les paysages qui ont votre préférence. Vous ne les voyez pas comme un champ de course où vous pouvez vous affranchir du code de la route, elles sont juste une meilleure opportunité de profiter du plaisir de conduire, qui se retrouve bien limité quand votre trajet se confine aux feux rouges et autres zones 30. Alors, après vous être installé dans votre siège conducteur et avoir effectué les quelques contrôles nécessaires, vous enclenchez le contact de votre véhicule, allumant votre autoradio par la même occasion.

Par le hasard des choses, c'est l'instrumental Exclusive Coupé de MYRONE qui va vous accompagner sur ces routes un peu plus désertes qu'en journée. Ça tombe bien, la chanson et son rock teinté de synthwave viennent de récemment fêter leurs dix ans. Il y a de grandes chances que votre moteur ne fasse pas le même bruit que celui samplé pour l'ouverture du titre. Qu'importe, les claviers rhodes puis les basses qui s'en suivent collent parfaitement à la situation, mélangeant le calme de la nuit avec une certaine excitation, quelque peu contenue sur un mid-tempo entraînant. Alors que vous quittez la ville, la guitare du compositeur Californien vient vous accompagner de sa mélodie, comme les étoiles et la lune qui commencent à se détacher de la noirceur du ciel.

Tandis que les virages se font plus sinueux, MYRONE intensifie son jeu, laissant la place à l'exaltation chez vous. Les synthés se mettent également à être plus expressifs et stimulants, renforçant votre plaisir derrière le volant. Malgré la base assez reposante du titre, les synthés et surtout la guitare lâchent totalement la bride, tout comme vous lâchez les chevaux de votre moteur. Le musicien shredde effrontément par-dessus des claviers de plus en plus démonstratifs, tandis que vous prenez un réel plaisir à inscrire votre automobile dans les virages, passer les vitesses avec minutie et anticiper la prochaine courbe qu'affronteront vos pneus.

Malheureusement, tout a une fin et vous finissez, presque à regret, par rejoindre votre précieux domicile, pendant que les synthés jouent un dernier break pour conclure le morceau. Alors que vous vous apprêtez à couper le contact, vous entendez de nouveau l'échappement de la voiture samplée, qui rétrograde tout en s'éloignant, comme la route que vous laissez derrière vous.

Avec Exclusive Coupé, MYRONE a composé un titre prenant dont l'intensité progressive vous tient jusqu'à sa conclusion. Le mélange entre rock et musique électronique sied à merveille, mettant en avant le talent du guitariste dont les soli méritent qu'on s'y attarde une seconde. Sorti en 2014, le morceau a été judicieusement placé en clôture de l'album Drift Stage Vol. 1 deux ans plus tard, comme un beau générique de fin d'une journée plaisante.

Mais cette prise n'a pas uniquement pour objectif de vous faire découvrir MYRONE par le biais de ce superbe titre, même si c'est là son but premier. Je souhaitais par la même occasion adresser un modeste hommage à la personne m'ayant introduit à l'artiste, à savoir Jimmy Broadbent.

Youtuber et streamer depuis 2012, l'Anglais n'a aucun lien avec le monde de la musique, mais plutôt avec le sport automobile, qu'il soit réel ou virtuel. Passionné, il s'est principalement fait connaître pour ses vidéos et streams sur des simulations de sport auto, et ce dans une multitude de catégories de voitures. Depuis des débuts modestes - littéralement dans la cabane au fond du jardin de sa mère - il a acquis progressivement du succès, jusqu'à pouvoir vivre confortablement de son activité de nos jours.

Mais au-delà du divertissement et de sa passion communicative, c'est sa gentillesse et son ouverture qui m'amènent à l'évoquer. De façon humble, mais sans s'en cacher, Jimmer (son surnom) n'hésite pas à aborder avec honnêteté des problèmes de santé mentale dont lui ou sa famille ont souffert. Il en découle une positivité et une bienveillance envers son public peu commune. Jimmy organise et participe régulièrement à des événements caritatifs pour la santé mentale, aidant ainsi plein de gens dans sa communauté et au-delà.

Des actions et des gestes constants de la part d'une belle personne qui, au détour d'un stream pendant une course d'endurance virtuelle, a décidé de passer Exclusive Coupé. Avec la vue subjective d'un pilote roulant au milieu d'une nuit pixelisée, l'immersion était totale, et surprenamment impactante, puisqu'elle a inspiré cette chronique. Alors vive MYRONE, et merci pour tout ce que tu fais, Jimmy.