Nevermore - Dead Heart in a Dead World

Le metal est un style musical d’une richesse inouïe par la quantité de sous-genres qui le compose. La variété de ces derniers fait qu’il est difficile de construire son arbre généalogique tant ses branches peuvent se croiser dans tous les sens. Malgré tout, bon nombre de fans se sont essayés à cet exercice mais il relève presque de l’impossible de réaliser un schéma qui ferait consensus. C’est alors l’occasion de débats interminables entre passionnés avec le traditionnel jeu consistant à attribuer à un groupe une ou plusieurs étiquettes de genre pour le classifier. Lorsque j’ai découvert le metal durant ma jeunesse, je suis moi-même tombé dans ce piège de vouloir ranger des groupes dans des cases mais il y avait un groupe que je n’arrivais jamais à classer correctement : Nevermore.

De cette question insoluble a découlé une passion immense pour leur musique qui m’aura marqué durant mon adolescence. Nevermore fait partie de ces « ovnis » qui ont émergés de la scène américaine dans les années 90 à la croisée des chemins entre l’explosion du grunge (dont ils partagent la même ville d’origine, Seattle) et la division du metal en une ribambelle de sous-genres. Car en effet, début 1990, faire du heavy metal à Seattle n’est clairement pas la meilleure des façons pour percer... C’est ainsi que Nevermore naquit des cendres du groupe de heavy Sanctuary dont ils partagent trois des membres (Warrel Dane au chant, Jim Sheppard à la basse et Jeff Loomis à la guitare). Le groupe va mettre en place durant ses premiers albums un heavy très sombre teinté de sonorités thrash et power américain inspiré de groupes comme Iced Earth, Annihilator ou encore Machine Head. Cependant ils gardèrent une des spécificités des groupes de heavy des 80s à savoir le chant haut perché de leur vocaliste, Warrel Dane.

Nevermore - Band

Après une année 1999 bien remplie avec une tournée et un troisième album, le second guitariste du groupe, Tim Calvert, annonce son départ. Le combo décide ne pas se mettre à la recherche d’un nouveau membre et part directement enregistrer l’album dont il est question aujourd’hui : Dead Heart In A Dead World.

Sorti le 17 octobre 2000, l'album marque le début de la deuxième partie de la carrière de Nevermore. Le son des américains évolue, passant d’une musique sombre et torturée vers un style plus mélodique et plus percutant porté par l’immense talent de son guitariste virtuose Jeff Loomis (qui officie de nos jours chez Arch Enemy). On retrouve alors un véritable patchwork à base de heavy, de thrash, de death et de power.

Lorsque l’on est familier avec le son de la bande, la première chose qui frappe dès le début de l’album c’est à quel point la production est passée au niveau supérieur. Pour cette galette, le groupe a fait appel à un certain Andy Sneap qui commençait tout juste à se faire un nom dans le milieu. Celui-ci sera par la suite à la production de tous les albums des américains mais aussi de ceux d’une pléthore d'autres formations de metal qu'il aura contribué à faire revenir sur le devant de la scène (The Gathering de Testament, Endgame de Megadeth, Firepower de Judas Priest etc...). Ce changement de production se ressent dès la première note du morceau d'ouverture, Narcosynthesis, qui annonce directement la couleur : amateurs de shred, vous allez en avoir pour votre argent. Jeff Loomis fait rugir sa guitare 7 cordes et délivre des riffs ultra accrocheurs, rien de mieux pour lancer les hostilités dans la fosse.

Le combo de Seattle va dérouler la recette qui fera son succès : les riffs fusent dans tous les sens et la batterie de Van Williams est d’une puissance incroyable. Elle cadence les morceaux avec une précision remarquable soutenue par un jeu de double-pédales impitoyable. Andy Sneap réalise un coup de maître en parvenant à décupler l’agressivité et la mélodicité dans le son du groupe sans négliger l’un au profit de l’autre. Les onze pistes de l’album s’enchainent de manière fluide avec une alternance de morceaux mid-tempo ou agressifs mais aussi de power ballads faisant office de bouffée d'oxygène au sein de cette avalanche de riffs.

Et aussi surprenant que cela puisse paraître, ce sont bien ces dernières qui ressortent de l’écoute de cet album. The Heart Collector et son refrain fédérateur scandé par les fans en concert mais surtout le hit Believe in Nothing qui sera d’ailleurs le seul single du groupe. La voix sensible de Warrel Dane posée sur des harmonies à la guitare de Loomis est à tomber par terre. Le titre se termine en apothéose par un des plus beaux solos qu’il m’ait été donné d’écouter. Un morceau qui s’écoute en boucle, où Dane nous parle de la futilité de croire en une quelconque divinité salvatrice dans un monde où des gens souffrent et meurent tous les jours.

Des textes très sombres que l’on retrouvera sur toutes les pistes de l’album. L’esprit tourmenté du vocaliste pose un regard cynique sur le monde qui l’entoure, abordant les sujets comme la dépendance à la drogue, la haine du prochain, le système carcéral ou encore la folie pure.

Mais s’il y a un bien une chose que cet album a révélé au grand jour c’est le talent de son guitariste virtuose, Jeff Loomis. En charge de toute l'écriture de la musique sur l’album, ce dernier montre qu’il maîtrise à la perfection tout l’arsenal du parfait shredder : une science du riff tranchant inégalée, du sweep picking à tous les étages et des solos qui rivalisent avec les meilleurs guitar heroes. Ils peuvent aussi bien être dans un registre épique (Inside Four Walls) que de vous faire monter la larme à l’œil (Believe in Nothing).

Avec les compositions de Loomis associées au large de spectre vocal de Dane, le tout sublimé par la production de Sneap, Nevermore dispose d’un trio gagnant que beaucoup de groupes pourraient envier. Le niveau technique atteint sur cet album nous laisse entrevoir la direction que le groupe prendra sur les prochains albums avec des morceaux plus progressifs.

C’est dans ces éléments que réside toute la force de ce Dead Heart in a Dead World, album charnière dans la carrière du groupe car il concentre tout ce qu’ils savent faire de mieux et chacun y trouvera son compte. Les amateurs de heavy/power apprécieront les envolées lyriques de Warrel Dane, les fans de thrash/death la puissance des riffs et l’efficacité du duo rythmique Sheppard/Williams et les aficionados de la descente de manche seront éclaboussés par le talent de Jeff Loomis.

Avec les compositions de Loomis associées au large de spectre vocal de Dane, le tout sublimé par la production de Sneap, Nevermore dispose d’un trio gagnant que beaucoup de groupes pourraient envier.

Bien qu'étant considéré comme groupe impossible à classer, Nevermore est parvenu avec Dead Heart in a Dead World à mettre tout le monde d’accord parmi les différents styles dont il s’imprègne. Au final, les étiquettes c'est bien pratique, mais surtout quand il s'agit de consignes de lavage... C’est un album culte qui restera malgré tout assez discret et qui aurait mérité plus d’attention de la part des metalheads autour du globe. Cette chronique est également l’occasion de rendre une nouvelle fois hommage à Warrel Dane, décédé subitement d’une crise cardiaque le 13 décembre 2017 et dont la voix si singulière continuera à raisonner dans nos oreilles tant que sa musique continuera d’être écoutée et partagée.

VélocitéIndice sur la véhémence de la musique 1/5 : tranquille, on est en eaux calmes, l'écoute est paisible 5/5 : musique extrêmement énergique, l'auditeur non averti aura intérêt à bien s'accrocher
EfficacitéLa capacité de l'album à capter et maintenir l'attention de l'auditeur. 1/5 : Vous écoutez l'album d'une oreille 5/5 : L'album vous jette des étoiles dans les yeux et retient toute votre attention
RiffingIndice de la qualité technique. 1/5 : Bof bof, même votre petit frère ferait mieux. 5/5 : Ok Steve Vai, on te laisse faire
Consigne du maître nageur :
picto 1.png
Slip de bain

Dead Heart in a Dead World - Cover
Nevermore
"Dead Heart in a Dead World"