Pure Reason Revolution - Eupnea

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L’attente est sans aucun doute la chose que les mélomanes connaissent le plus. Un solo dans une chanson, un concert ou bien encore un nouvel album d'un artiste que l'on chérit. Parfois, on finit par perdre espoir (les fans de Tool en savent quelque chose), on comprend que l’attente est vaine et qu’il faut désormais faire le deuil des groupes que l'on a aimé (1987 – 2010 : Porcupine Tree). Mais trop rarement le miracle se produit. Comme revenus d’entre les morts, certaines formations réapparaissent pour offrir une suite à l’histoire qu’ils partageaient avec leurs fans. C’est ainsi que huit années après l’annonce de leur séparation, Pure Reason Revolution s’est reformé en 2019, à ma plus grande joie, pour accoucher un an plus tard d’un quatrième album : Eupnea.

Depuis leur premier disque sorti en 2006, The Dark Third, je voue un amour intense à cette formation.

Pure Reason Revolution est un groupe britannique reconnaissable entre mille par le chant en harmonie à deux voix sur la quasi-totalité des productions : celle de Jon Courtney (fondateur, compositeur et guitariste) et celle de Chloë Alper (auteure, compositrice et multi-instrumentiste).

Dès le premier single de leur carrière, Bright Ambassadors of Morning (une pièce de théâtre musicale de douze minutes qui ne manquera pas de faire penser aux progueux les plus assidus à Pink Floyd et leur morceau Echoes), la magie opère. Un monde tantôt onirique, tantôt combatif se crée dans nos oreilles rythmé par le duo vocal lui-même accompagné par les chœurs.

Onirique, le mot n’aurait pas pu être plus approprié puisque les chansons sont, en grande partie, inspirées des rêves de Jon Courtney. Le titre, The Dark Third, est d’ailleurs une référence au temps que passe l’être humain à dormir.

Il va être difficile pour moi d’être objective sur cette oeuvre car elle fait tout simplement partie de mes classiques et me semble être une excellente porte d’entrée pour quiconque souhaite découvrir le rock progressif.

Vu le statut culte du premier enregistrement, Amor Vincit Omnia avait intérêt à être meilleur que son prédécesseur. Paru en 2009, il marque une évolution dans la signature sonore de PRR, incorporant à ce rock progressif une dimension bien plus électro où les synthétiseurs se coordonnent avec les guitares ainsi que les voix tandis que la batterie laisse sa place à une boîte à rythme sur de nombreux morceaux.

On ne peut pas vraiment parler de révolution puisque Jon Courtney officie en parallèle en tant que DJ sous le nom de Cedo Simplex et forme le duo électro KC Blitz avec son compère de PRR, Jamie Kossoff.

Amor Vincit Omnia reste encore cohérent avec l’univers déjà dessiné et comporte même des merveilles dans la tradition des britanniques comme l’épique Victorious Cupid ou encore le romantique AVO. Les chansons plus faibles (Disconnect) sont très rares dans la tracklist et l’ensemble reste encore à ce jour un classique de leur discographie.

Malheureusement, ce qui n’étaient que quelques lacunes vont devenir la norme sur le troisième opus sorti un an plus tard : Hammer and Anvil. En faisant référence à une tactique militaire visant à encercler l’ennemi tout en l’attaquant frontalement, le titre laissait présager le contenu. Finies les envolées pinkfloydiennes, finie la finesse des premiers temps. Place au rugueux, au lourd, à l’électro saturé, à l’album le plus dispensable à mes yeux. En surface, on a l'impression de se retrouver face à une pâle copie d’Amor Vincit Omnia mais en réalité, l’opus n’arrive même pas à ce niveau et signe la dissolution du quartuor.

Pour couvrir le goût amer laissé par Hammer and Anvil, les fans pouvaient se rabattre sur No Atonement du duo Bullet Height (2017). Réunissant Jon Courtney, leader de feu Pure Reason Revolution, et la chanteuse Sammi Doll, cette production offrait 43 minutes d’harmonie à deux voix sur des rythmes définitivement rock alternatif à la Placebo saupoudrés de subtiles touches d’électro. Voici ce qu'aurait dû être la troisième pièce de la discographie de Pure Reason Revolution. Une belle fin qui aurait montré à la fois une évolution dans le son de la formation tout en restant assez cohérente avec leur signature.

À présent, nous y sommes. Une décennie après ses adieux, le phénix renaît de ses cendres et nous offre Eupnea. Certains membres de la formation d’origine ont été laissé sur le chemin, mais l’essentiel du groupe est en place.

Prenons une grande inspiration. Lecture.

Des battements de cœur réguliers, un son d'électrocardiogramme stable, une respiration calme. Nous sommes en état de sommeil. Ce même sommeil à l’origine de l’onirisme et de l’écriture de The Dark Third. Cette introduction de New Obsession nous le confirme, nous sommes dans le bon univers, à la bonne écoute.

Puis, l’harmonie Courtney/Alper est accompagnée par quelques notes de piano et une batterie discrète sur une ambiance électro en retrait. Tout est à sa place, comme une sensation de déjà-vu. Des guitares électriques surgissent de la douceur ambiante comme un cauchemar qui perturbe la tranquillité de la nuit.

Quand vient la seconde piste, le temps entre le premier album et celui-ci semble avoir disparu. Comme si Silent Genesis et ses 10 minutes 20 était le Bright Ambassadors of Morning 2.0. A la fois très moderne et fidèle aux premières années de Pure Reason Revolution, la chanson rappelle les accords et le jeu de Porcupine Tree avec son clavier qui laisse doucement la place aux guitares déchaînées. Si vous ne reconnaissez pas du In Absentia dans le dernier tiers de la musique, c'est que vous ne l'avez pas assez écouté.

Maelstrom est la ballade du disque où le piano délicat accompagne des paroles pleines d'espoir. La thématique est très personnelle pour Jon Courtney qui décrit ici ses émotions en tant que parent d'une petite fille née prématurément avec de gros problèmes respiratoires - on comprend mieux la présence de l'électrocardiogramme de l'introduction. Comme une expiration de soulagement, la chanson raconte cette sensation de plénitude ressentie lorsque pour la première fois Jon Courtney a pu prendre son enfant dans ses bras malgré les dispositifs respiratoires. Un instant hors du temps où toutes les souffrances endurées disparaissent.

Après cette apaisement vient la tempête de Ghosts & Typhoons. Quatrième piste qui peut se résumer par ces premières paroles : "It’s the dark & cold smack". Après un calme mérité, les musiciens nous prennent à revers et nous bousculent sur des sonorités électro guidées par une batterie très marquée simulant un battement de coeur en pleine course.

Après un Beyond your bodies qui n'a comme seule particularité notable le fait d'être composé en 7/4, vient enfin la pièce maitresse, le titre éponyme. "Breathe", c'est le mot qui donne le ton à la chanson Eupnea. Véritable ode à la vie, nous suivons le couple après l'accouchement difficile de leur fille. Un nouvel être qui vient au monde et auquel on souhaite se consacrer corps et âme quitte à lui offrir ses propres poumons. Lui apporter la respiration fut l'inspiration de ce titre et la thématique qui parcours tout le disque. Avec cette conclusion, Pure Reason Revolution signe le morceau le plus long de sa carrière, tout comme ces instants de douleurs ont sans aucun doute été les plus longs de la vie du compositeur.

Au niveau de la construction, les six morceaux suivent plus ou moins la même. On débute sur un chant solo qui s'accorde en harmonie avec la seconde voix avant que les choeurs ne fassent leur entrée. La musique monte progressivement avant de se faire plus discrète quelques instants pour laisser toute la place aux voix. Quelques sonorités plus électro s'insèrent ça et là dans l'ambiance progueuse qui conclue le titre dans une explosion d'énergie.

On ne peut pas réellement parler de surprise en termes de composition mais pour autant, rien ne détonne. Tout est codifié mais cela ne fait pour autant de Eupnea un mauvais album. Votre appréciation se fera en fonction de vos attentes. Si vous vouliez être étonné, il y a de fortes chances pour que vous soyez déçus. Si vous souhaitiez entendre une simple copie de la pièce maitresse de leur carrière, alors vous serez ravis et aurez un petit ajout électro en prime.

Pour ma part, l'écoute apaisante porte la signature de Pure Reason Revolution. Mais en rédigeant cette chronique, j'en ai appris plus sur la thématique et cela m'a profondément bouleversée. Voir en musique les forces et les faiblesses qui composent la vie de quelqu'un qui souhaitait simplement la donner en héritage. Une réalisation tout en fragilité et en douceur. La raison a pris le pas sur la révolution et nous offre un The Dark Third revisité avec une émotion plus pure.

EfficacitéLa capacité de l'album à capter et maintenir l'attention de l'auditeur. 1/5 : Vous écoutez l'album d'une oreille 5/5 : L'album vous jette des étoiles dans les yeux et retient toute votre attention
FraîcheurIndice de l'apport de neuf que fait cet album. 1/5 : l'album réutilise les codes du genre et fait une bonne soupe avec de vieux pots. 5/5 : l'album invente et innove son style musical
FluiditéA quel point l'album est digeste sur la durée de l'écoute. 1/5 : Chaque note parait plus longue que la précédente. Cela peut être une bonne ou une mauvaise chose 5/5 : L'album s'écoute facilement, le temps passe vite
Consigne du maître nageur :
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Slip de bain

PRR-Eupnea