Rezn - Nous allons écrire tout l’hiver pour prendre de l’avance

Sweet Home Chicago

La scène doom aux Etats-Unis regorge de pépites au talent incroyable. Nous avons eu la chance de converser par mail avec Phil Cangelosi, bassiste et chanteur de Rezn, quatuor de Chicago et venant de sortir son 3e album. Au programme, une discussion autour de Chaotic Divine, leur processus de création ou encore la scène musicale dans leur ville d'origine.

Soundbather : Quelle est la démarche créative d’un album de Rezn ? Est-ce que vous travaillez chacun de votre côté et rassemblez vos idées ensuite ou expérimentez-vous tous ensemble ?

Phil Cangelosi : Pour Chaotic Divine, nous avons écrit l’album ensemble. En général Rob (N.D.L.R. : Rob McWilliams chanteur/guitariste) trouve un riff qui nous plaît à tous. Ensuite, on développe la chanson ensemble. On ne garde et n’utilise que 50% des idées qu’on a en tête.

S : Même question pour les paroles : est-ce que vous faites un brainstorming ensemble ou plutôt chacun de votre côté ?

P : C’est Rob qui se charge des paroles. Elles sont écrites après que la musique soit produite, puis rajoutées par-dessus.

S : Quand Let it Burn et Calm Black Water sont sortis, ça a scotché beaucoup de monde. C’était frais, original, et a mis le groupe en lumière. Est-ce que cela vous a mis la pression quand vous êtes allés en studio pour enregistrer Chaotic Divine ou est-ce que ça vous a été indifférent ?

P : En fait, ça a été super que beaucoup de gens apprécient. Nous avons eu pas mal de restrictions avec notre premier album. Nous l’avons juste fait comme ça et enregistré dans le sous-sol de Patrick (N.D.L.R. : Patrick Dunn, batteur/percussionniste). Maintenant, nous pouvons nous concentrer plus sérieusement sur l’écriture de nos chansons, passer plus de temps en studio et développer nos idées plus en profondeur que lorsque nous avons fait Let it Burn et Calm Black Water. Nous sommes très reconnaissants envers toutes les personnes qui nous ont soutenu et nous avons hâte d’ajouter plus de complexité à notre son dans le futur.

S : Vous avez commencé à enregistrer Chaotic Divine avant que la Covid frappe les Etats-Unis. Est-ce que cela a affecté la fin de la production de l’album et si oui, comment ?

P : Oui, la Covid a eu un réel impact. Il était prévu que Chaotic Divine sorte début mai 2020 accompagné d’une tournée. Cependant, avec tous les retards pris à cause du Covid19 et les restrictions que la pandémie impliquait, nous n’avons pas pu rassembler les vinyles et les ressources pour l’album avant août. En ce qui concerne l’enregistrement, le mastering et le mixage, les restrictions liées au Covid ne nous ont pas trop affecté.

Pour chaque album, nous essayons de créer un monde spécifique pour nous inspirer dans l’écriture de l’album et transporter l’audience dans un endroit nouveau et distant.

S : Chaotic Divine est un peu plus sombre et triste que vos albums précédents. Pourrais-tu nous dire pourquoi ?

P : On a essayé d’expérimenter un peu plus mais à petite dose. On n’a pas forcément cherché à sonner plus mélancolique que sur nos autres albums. En revanche, nous voulions qu’il soit un peu plus dynamique et introspectif que les autres.

S : Vos précédents albums étaient inspirés par l’espace ou l’océan. Y-a-t-il une raison particulière pour laquelle vous avez opté pour le monde que vous décrivez dans Chaotic Divine ?

P : Pour chaque album, nous essayons de créer un monde spécifique pour nous inspirer dans l’écriture de l’album et transporter l’audience dans un endroit nouveau et distant. Il n’y a pas vraiment de raison pour laquelle nous avons choisi le désert alien que nous avons créé avec Chaotic Divine, à part que c’est quelque chose que nous voulions faire.

S : Phil, on te retrouve au chant sur The Door Opens. C’est quelque chose que tu as fait sur Let it Burn, mais pas sur Calm Black Water, comme indiqué sur Bandcamp. Comment décidez-vous si ta voix rend mieux que celle de Rob ?

P : Nous aimons l’idée d’ajouter différents chanteurs pour ajouter plus de profondeur à l’album. The Door Opens est une chanson assez dense, nous avons donc pensé que ma voix s’y prêterait mieux.

S : Vous avez utilisé quelques instruments orientaux dans Chaotic Divine (Sitar, Oud, entre autres). Est-ce que vous saviez déjà jouer de ces instruments ou avez-vous dû les apprendre ? Si oui, est-ce que ça a été difficile ?

P : On est toujours en train d’apprendre à jouer de nouveaux instruments ou de perfectionner notre relation à la musique en utilisant des médiums différents. Nous connaissons bien la plupart des instruments que nous jouons sur Chaotic Divine, même ceux qui étaient nouveaux pour nous. Par exemple, la sœur de Spencer (N.D.L.R. : Spencer Ouellette, Synthés / Saxophone / Flute) lui a donné sa vieille flûte. Il a appris à en jouer, et nous avons décidé de l’ajouter à Emerging.

S : Chaotic Divine a quelques grosses sections ambient comme sur Clear I & II ou Forever Time. Est-ce que c’est une façon de donner plus de place à Spencer ou est-ce une nouvelle direction que vous cherchez à explorer ?

P : Nous avons toujours aimé l’idée d’ajouter de l’espace à nos albums pour leur permettre de respirer et leur donner des moments d'apesanteur. En fait, Clear II est un interlude que nous avons utilisé pendant plusieurs années quand nous jouions en live. Du coup, on a pensé que cela serait bien de l’ajouter à l’album. Finalement, ce n’est pas tant une nouvelle direction mais plutôt une façon de développer une ambiance et un monde que nous essayons de créer avec Chaotic Divine.

S : Mother / Forever Time pourrait facilement être séparée en deux pistes différentes. Peux-tu nous dire pourquoi vous avez choisi de les laisser ensemble ?

P : Mother est une piste méditative sur cet album. La deuxième partie de la chanson est supposée aider à t’emporter. Du coup, même si c’est assez différent de la première partie, le but des deux parties, c’est d’être écoutées ensemble pour mieux ressentir l’atmosphère de cette chanson.

S : The Still Center sert de conclusion à l’album avec une montée en puissance sans point culminant à la fin. Était-ce intentionnel de conclure Chaotic Divine avec ce sentiment de frustration ?

P : Absolument. Nous avons pensé que cela irait parfaitement avec ce que nous voulions créer. Nous adorons le suspens que cela génère.

S : Allyson Medeiros a créé la pochette de Chaotic Divine, tout comme celles de vos autres albums. Comment vous êtes-vous rencontrés et qu’est-ce qui vous plaît dans son travail pour que cela vous pousse à l’utiliser pour chacun de vos albums ?

P : Allyson est un bon ami à nous. C’est la première personne que Bob a rencontré quand il a déménagé à Chicago, et il fait un super travail qui se marie très bien avec la musique que nous créons. De plus, Al est un artiste incroyable.

S : Quelle est votre chanson préférée sur l’album ? Celle que vous avez préféré composer ou celle qui, pour vous, serait géniale sur scène, quand les concerts seront à nouveau autorisés.

P : J’adore Waves of Sand, elle est super à jouer. Cependant, je pense que The Door Opens va vraiment être une super chanson quand on pourra la jouer en live.

S : Pour Waves of Sand et Inner Architecture, vous avez sorti deux vidéos de vos lives à Ohmstead. Je sais que seules ces deux chansons ont été filmées, mais est-il envisageable de vous voir enregistrer un live complet à cet endroit ?

P : Nous n’avons rien de plus pour le moment. Cependant, tout est possible dans le futur.

S : Vous avez écrit trois albums en peu de temps. Comment toutes ces idées vous viennent-elles ? Avez-vous déjà prévu le quatrième ?

P : On essaie toujours de travailler dessus et on adore la composition et l’enregistrement. On crée beaucoup de chansons que personne n’écoute parce qu’on pense qu’elles ne sont pas assez bonnes. Les chansons viennent assez naturellement. De plus, Rob semble être un puits sans fond de riffs. Il a toujours quelque chose sous le coude sur lequel nous pouvons travailler.

Comme nous ne pouvons pas faire de concerts pour le moment, nous avons déjà écrit plusieurs chansons pour notre quatrième album. Nous allons écrire tout l’hiver pour prendre de l’avance.

S : Comment vois-tu le futur en ce qui concerne les concerts ou les prochains albums si le virus reste ?

P : On espère que les concerts auront de nouveau lieu aussi vite que possible. En attendant, on continue d’écrire en espérant que les concerts soient à nouveau possibles..

On adore collaborer avec d’autres artistes et on espère le faire plus souvent dans le futur.

S : Vous avez mis de côté le son stoner “classique” de la basse/guitare/batterie avec Spencer sur les synthés et le saxophone. Est-ce quelque chose que vous vouliez faire au début du groupe et si oui, pourquoi ?

P : Nous n’étions pas sûrs de ce que nous voulions au début. Spencer est arrivé pour aider à ajouter plus de complexité à notre son. Il est très talentueux et continue d’être le moteur qui rend notre son unique.

S : Le saxophone est devenu de plus en plus important dans la scène stoner/doom grâce à certains groupes qui l’utilisent. Comment expliques-tu la popularité de cet instrument dans cette scène ?

P : Je ne sais pas trop - je ne savais pas que le saxophone était de plus en plus populaire. C’est un bel instrument qui s’associe très bien à ce genre, donc je suis très content de savoir que cela devient de plus en plus commun dans la communauté doom. Dans notre cas, on a commencé à utiliser le saxophone car Spencer est un très bon saxophoniste. Patrick, Bob et moi-même ne savions même pas qu’il savait en jouer jusqu’à ce nous enregistrions Calm Black Water. Nous avons tellement aimé cela que nous avons décidé de l’utiliser de plus en plus.

S : Vous avez sorti beaucoup de LP, tout d’abord avec Lume, puis avec Catechism, le side-project de Spencer, si je ne me trompe pas. Avez-vous l’intention de le refaire, peut-être avec d’autres personnes/groupes ?

P : Totalement. On adore collaborer avec d’autres artistes et on espère le faire plus souvent dans le futur.

S : Vous vous êtes engagés dans des mouvements sociaux cette année. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous investir là-dedans ?

P : Oui, on soutient le mouvement Black Live Matters de Chicago et des Etats-Unis, et quelques-uns d’entre nous ont manifesté un peu plus tôt dans l’année. On a décidé de soutenir ce mouvement car c’est tout simplement la bonne chose à faire.

S : Il semblerait que Chicago soit une ville importante pour les groupes de stoner et de doom. Comment peux-tu expliquer cela ?

P : Je pense que Chicago est tellement remplie de musiciens et d’artistes actifs que cela aide à booster la scène heavy, mais aussi les scènes d’autres genres. Chicago est tout simplement une super ville pour être musicien. Rob et moi-même avons déménagé de Virginia pour cette raison.

S : Quelles sont les musiques qui vous ont touchés cette année ? Avez-vous découvert ou redécouvert de nouvelles choses ?

P : On en parlait l’autre soir. Il n’y a pas d’artistes spécifiques que nous écoutons ensemble. On s’inspire de différents types de musique et on cherche toujours à découvrir de nouvelles chansons, qu’elles soient anciennes ou nouvelles.

Merci beaucoup à Rezn, particulièrement à Phil Cangelosi, pour leur temps et merci à la formidable Lauris pour la traduction.

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  • Rôle(s) : Basse, Chant
  • Projet(s) : Rezn
  • Activité : 2016
  • Pays : Etats-Unis