Dopelord - Songs For Satan

Le diable se cache dans les détails

La Pologne possède une scène Stoner méconnue du grand public mais pourtant qualitative avec comme fer de lance un quatuor nous venant de Lublin. Reprenant habilement les codes classiques de cet univers, Dopelord a grimpé les échelons jusqu'à devenir un incontournable auprès des aficionados de musiques fuzzées. Entre des albums efficaces et des prestations lives puissantes, le groupe a su poser sa marque dans un genre qui peut vite tourner en rond. Après un Sign Of The Devil (2020) partagé entre tubes et Sludge, les Polonais profitent d'une collaboration avec Blues Funeral Records pour proposer leur cinquième album via la deuxième édition des Postwax, un service de souscription de vinyles ayant accouché d'un split entre Rezn & Vinnum Sabbathi, du nouvel album de Dozer ou encore du dernier album de Lowrider lors de sa première édition. La particularité étant que chaque volume présente des albums possédant une charte graphique similaire pour les regrouper.

Maintenant, la formule de Dopelord peut être déchiffrée facilement : des riffs assez simples noyés dans des tonnes d'effets, un tempo plutôt lent pour que le headbang soit présent, en fonction de l'humeur, un pont plus pêchu pour provoquer la bagarre dans le pit et, de manière récurrente, un refrain fédérateur, facile à appréhender pour que les gens s'en donnent à cœur joie en concert. Ce Songs For Satan ne déroge pas à la règle, le premier single Night Of The Witch cochant toutes les cases du bingo : un refrain calibré pour suivre parfaitement Piotr Zin, des couplets qui décrochent notre nuque, un pont permettant de se réveiller avant un retour du refrain, d'abord en acoustique puis de manière fuzzée. Il n'est d'ailleurs pas surprenant de voir ce titre comme le premier single utilisé pour annoncer ce disque, reprenant la recette du petit Dopelord pour les nuls.

La suivante sur la tracklist a aussi eu les honneurs d'un clip. Chosen One peut être découpée en deux parties : la première suit les préceptes de Night Of The Witch avec, encore ici, un refrain qui viendra se loger dans votre boîte crânienne sans payer de loyer. En arrivant autour de la quatrième minute, la piste augmente sa cadence pour offrir une fin plus véloce, sans proposer de retour au calme.

Les amateurs de Sludge auront aussi de quoi se faire plaisir. Si Piotr Zin poussera un peu sa voix sur le refrain de One Billion Skulls, c'est son compère Paweł Mioduchowski, plus habitué au chant typique de ce style, qu'on retrouvera d'abord sur Night Of The Witch pour doubler Piotr, puis à l'honneur sur Worms, qui sera à 100% dans les territoires plus crasseux du genre.

Il est intéressant de souligner Evil Spell qui, avec ses voix doublées, apporte un peu de fraîcheur à la formule et laisse même regretter qu'il n'y en ait pas plus. Ce même titre qui offre un pont instrumental assez long et hypnotique, parfait pour effectuer le balancier chez soi ou en live. Autre petite évolution, le passage clean sur Night Of The Witch qui dénote du reste. De la même manière, son utilisation est assez légère et on n'aurait pas été contre quelques apports supplémentaires. La tracklist est composée de cinq titres tournant autour des sept minutes, et parfois, une "pause fraîcheur" n'est pas de trop.

Maintenant, la musique de Dopelord n'est pas un simple exutoire Stoner/Doom. Derrière une façade occulte assez classique se cache le corps de sa discographie : une critique de la situation politique dans sa Pologne natale. L'extrême droite est au pouvoir et avec elle une montée de l'obscurantisme portée par une religion catholique plus proche de la secte que d'autre chose. Le quatuor en souffre et essaye de faire réagir les gens par rapport à ça. Tout au long du disque, les paroles abordent cette situation, tantôt de manière imagée, tantôt de façon frontale comme dans One Billion Skulls.

In the eyes of a billion skulls
Reflected all the lies
Standing on the edge of time
I'm spitting in the face of God

Tout au long de l'album, le Satanisme évoqué n'est pas à prendre au premier degré comme une volonté de rejoindre le culte du Malin, mais plus comme une façon de s'émanciper et de se libérer des chaînes posées par le pouvoir en place en Pologne. On peut l'entendre notamment sur Worms :

I Puke Blood
On Your Prophecy
A Rotten Cross
Became A Breeding Ground For Worms

On peut aussi évoquer The Chosen One dont le refrain, assez évocateur, continue dans cette idée d'un Satanisme libérateur.

It's the Devil Speaking To Me
In My Dreams
Dance With Demons In My Sleep
If It Ain't Reality
Please Don't Wake Me
Bury Me In This Dream

Bien qu'on évoque les rêves, l'album cherche à provoquer un réveil des consciences et ce de manière continue. C'est pour cela que la piste finale, Return Of The Night Of The Witch, insiste sur cette idée. Reprise du riff principal de Night Of The Witch mais au mellotron, elle incarne l'idée de continuité. La lutte doit être constante et ne doit pas s'arrêter.

Derrière ses facettes d'énième groupe de Stoner/Doom sataniste, Dopelord offre une seconde lecture qui permet d'apprécier d'autant plus ses travaux. Et bien que le quatuor évoque sa Pologne natale, il faut rester aux aguets car la menace est bien plus proche qu'il n'y paraît. De quoi nous laisser étudier le Satanisme car la nuit de la Sorcière pourrait bien être notre prochain rendez-vous.

RiffingIndice de la qualité technique. 1/5 : Bof bof, même votre petit frère ferait mieux. 5/5 : Ok Steve Vai, on te laisse faire
ViscositéIndice sur le niveau de graisse de l'album. 1/5 : c'est léger et pas gras. 5/5 : c'est très gras, visqueux, huileux
ViolenceIndice de la violence de l'album. 1/5 : l'album est doux et vous susurre des paroles réconfortantes. 5/5 : l'album vous hurle dessus et vous insulte en bosniaque sous-titré slovaque
Consigne du maître nageur :
Bouteille de plongée
Bouteilles de plongée

Songs For Satan
Dopelord
"Songs For Satan"