Foo Fighters - Medicine At Midnight

Une pilule un peu trop facile à avaler

1990. Nirvana se met en quête d'un nouveau batteur, déçu des performances de Chad Channing. Après quelques essais, Kurt Cobain et Krist Novoselic jettent leur dévolu sur l'homme derrière les fûts du groupe Scream : un certain David Eric Grohl. Fort de cette nouvelle recrue, le trio d'Aberdeen sort Nevermind et rencontre le succès qu'on lui connaît. Une ascension flinguée en plein vol par le suicide de Kurt le 5 avril 1994. Friand de continuer à faire de la musique, Grohl troquera ses baguettes pour une guitare et un micro puis lancera sa propre entité musicale : Foo Fighters.

2021. 27 ans plus tard, le groupe formé sur les cendres de Nirvana est au sommet de sa gloire, porté par des albums réussis mais aussi des projets annexes portant Dave Grohl au panthéon des personnes avec qui on aimerait bien boire une bière et jammer pendant des heures. Une carrière qui n'a presque pas connu d'échec, poussant chaque sortie à être attendue comme le messie. Il faut dire que les Foo nous ont habitué à sortir des albums au pire moyens, au mieux légendaires, Wasting Light ou The Colour And The Shape faisant foi. Cependant, après toutes ces années vient le moment de se renouveler et de proposer un produit différent pour continuer à garder du plaisir et ne pas tomber dans une routine déprimante. Tout ceci nous amène à ce Medicine At Midnight, 10ème enfant d'une discographie déjà bien fournie.

"We started [recording] this, I think, in maybe September last year, and we were finished by January, February. We were totally done — mixed, mastered, ready to go. Artwork was done; t-shirts were being made; equipment was on the trucks — we were good to go. And then everything just kind of shut down."

Medicine At Midnight est une œuvre qui s'est prise la situation sanitaire actuelle en pleine face. Pour célébrer les 25 ans du groupe, une tournée spéciale était déjà prévue, avec comme point d'orgue, ce nouvel album. Nommée "The Van Tour 2020", cette virée Nord-Américaine allait permettre aux Foo Fighters de jouer dans les mêmes villes que lors de leur première virée en 1995. La pandémie étant ce qu'elle est, tous les plans ont dû être revus et la sortie de ce 10ème disque a du être repoussée. Originalement prévue pour être disponible une fois cette crise sanitaire terminée, Dave Grohl s'est décidé à libérer la bête afin de satisfaire le plus grand nombre.

" I was, like, 'We've gotta put it out. Let's put it out right now.' I don't know when we're gonna hit the road, but we need to give the music to the people, 'cause that's why we make it."

Dès les premiers singles, on a senti que le sextet voulait prendre le contrepied de ce qu'espéraient les fans. D'abord un titre plus intimiste avec Shame Shame, plus porté sur le groove de la batterie de Taylor Hawkins, puis une ballade montant en puissance avec Waiting On A War, le tout entrecoupé du morceau rock No Son Of Mine, volonté de faire du Motörhead mais sans les tonnes de fuzz et le son qui vont avec. Cette dernière citée cristallisant par ailleurs tous les problèmes de ce disque.

Premièrement, la production est très lisse, ne laissant que peu de place aux aspérités pourtant caractéristiques des Foo. Les riffs se voulant tranchants ne le sont pas, la batterie paraît sage et l'on se retrouve avec un disque qui s'enchaîne facilement, trop à mon goût. Il manque des passages possédés par la furie habituelle du groupe et quand on est en présence d'éléments plus rock, ils sont tout juste du niveau de ce qui se retrouve diffusé sur RFM. On peut aussi noter l'ajout de claps ou de chœurs très cheesy qui rendent certains titres assez drôles.

Deuxièmement, on sent les Foo en manque d'inspiration. Beaucoup de titres sont affiliés soit à des artistes annexes, soit à des morceaux déjà sortis dans la discographie du groupe. Citons d'abord la piste éponyme, Medicine At Midnight, complètement repompée sur David Bowie époque Last Dance, jusqu'au solo de guitare, que l'on pourrait croire sorti des mains du maestro anglais, s'il ne nous avait pas quitté en 2016. Evoquons ensuite Love Dies Young qui commence par un riff semblable à Pain For Pleasure de Sum 41 et dont les couplets sont légèrement inspirés de Coldplay avec, d'un côté, une guitare acoustique et, de l'autre, une guitare électrique allant jouer dans les aigus. En vrac, on peut aussi citer Motörhead ou encore U2 parmi les grandes influences de ce disque.
Côté auto-repompe, on retrouve Chasing Birds, ballade classique déjà entendue sur les albums récents du groupe. Holding Poison reprend quelques plans de Dear Rosemary issu de Wasting Light et Waiting On a War nous fait penser à Walk dans son coté montée en puissance jusqu'à la libération finale. On peut même citer Cloudspotter qui pourrait être une chute de Wasting Light, gâchée par la production de Greg Kirstin. Ce dernier s'était déjà distingué par ses "prouesses" en terme de production, étant responsable de Concrete And Gold sorti en 2017.

Un autre problème sur ce disque réside dans l'utilisation de ses membres. Chaque écoute nous fait penser que les 3 guitares ne servent à rien et que Taylor Hawkins n'est là que pour un rôle de support discret. Quand on connait la qualité du line-up, on est en droit d'être déçu par les prestations de Pat Smear ou encore Chris Shiflett. Peut-on parler de gâchis ? Le débat est ouvert.

On pourrait croire que Medicine At Midnight est un album raté : non. Néanmoins, ne vous attendez pas à l'album du siècle en vous lançant dans cette œuvre. On en ressort déçu, mitigé tout au mieux, tant on connait les qualités de composition des Foo Fighters. Il reste cependant quelques petits passages bien agréables qui sauvent ce disque d'un naufrage complet. La chanson-titre, par exemple, est d'une efficacité folle et invite à remuer son postérieur de manière sensuelle. La ballade Chasing Birds est très bien réalisée et bien aidée par les chœurs qui, ici, se plient très bien à l'ambiance créée. Même Shame Shame qui peut dérouter au premier abord, est une piste réussie qui s'immisce dans votre cerveau au fil des écoutes. Cependant, il ne subsiste pas cette sensation d'avoir devant nous un titre marquant de la discographie du groupe à l'instar d'un The Sky Is A Neighborhood, pépite majestueuse sauvant complètement Concrete And Gold.

"I hate to call it a funk or dance record, but it’s more energetic in a lot of ways than anything we’ve ever done and it was really designed to be that Saturday night party album"

En effet Dave, tu as réussi. Avec ce Medicine At Midnight tu as créé un parfait album du samedi soir. Sauf qu'au lieu de se déhancher en faisant attention aux titres, on le passera sûrement en fond sonore, tel un habillage parfait pour soutenir les nombreuses conversations que les gens auront (quand les soirées seront ré-autorisées, bien entendu). Allez, sans rancune, ton remède n'est pas miracle, mais il a au moins le luxe de nous faire passer le temps.

FluiditéA quel point l'album est digeste sur la durée de l'écoute. 1/5 : Chaque note parait plus longue que la précédente. Cela peut être une bonne ou une mauvaise chose 5/5 : L'album s'écoute facilement, le temps passe vite
Joie de VivreComment l'album va impacter votre humeur. 1/5 : Tout est noir et triste, et si je me roulais en boule ? 5/5 : Tout va bien, je souris avant tout.
TempératureIndice du mood général de l'album : 1/5 = froid, musique globalement maussade, négative, voire violente 5/5 = chaud, musique très joyeuse voire festive
ProfondeurIndice sur la densité de contenu de l'album 1/5 : album au propos plutôt dépouillé voire superficiel, on en fait rapidement le tour, on l'assimile très vite 5/5 : album au contenu très riche, plusieurs écoutes seront indispensables pour espérer en capter l'essence
Consigne du maître nageur :
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Slip de bain

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Foo Fighters
"Medicine At Midnight"