Rezn - Solace

Déroute réconfortante

Solace peut signifier réconfort. Comme celui qu’une partie de notre équipe a eu en apprenant l’arrivée du prochain album de REZN, portant ce même nom. Le quatuor de doom psyché venait de présenter son single Possession, titre prometteur faisant trépigner d’impatience ceux qui suivaient le groupe. Plus récemment, le groupe de Chicago avait précisé ce qu’il allait nous proposer : six morceaux, une quarantaine de minutes et une évolution de leur délicieux doom. Alors, que vaut le successeur de Chaotic Divine ?

En premier lieu, on peut dire que le groupe a toujours ce “don” pour nous offrir une superbe pochette à la puissance évocatrice certaine : créée cette fois-ci par Adam Burke et Nightjar Illustration, la peinture nous invite à contempler une magnifique nature dont on ne saurait dire si elle nous veut du bien ou non. Tout comme on ne savait pas ce que les Américains nous avaient préparé pour leur quatrième LP.

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Pour ce qui est de la musique, vous n’allez pas être déroutés, du moins pas tout de suite. Allured By Feverish Visions et Possession, qui ouvrent Solace, sont dans la continuité de Chaotic Divine, à savoir : un doom psyché intriguant qui voyage entre des sections toutes en retenue et des passages à la lourdeur aussi écrasante que grisante. On vogue au milieu de territoires qui, derrière une première impression charmeuse, cachent une inhospitalité sournoise. Que ce soit le premier, qui est une longue montée inéluctable, ou le second, où l’explosion est soudaine malgré des signes avant-coureurs, REZN nous peint des tableaux aux faux-semblants traîtres. Sans que cela soit déplaisant, bien au contraire : l’efficacité de la formule avait déjà fait ses preuves sur les prédécesseurs de l’album, avec cette fois-ci une petite touche de subtilité rendant les morceaux encore plus envoûtant.

Des faux-semblants, le morceau suivant s’en dispense. Reversal ne prend aucune pincette avec son riff pachydermique doublé d’une mélodie qui ne laisse aucun doute sur le malaise qu’elle vient installer. Le temps de la ruse et de la tromperie est passé, vous êtes désormais en plein bad trip, les mélodies de la six-cordes de Rob McWilliams étant plus pernicieuses que jamais et le refrain vous faisant pleinement réaliser le désespoir de votre situation.

Lentement vient l'impression que l'album se fait plus froid qu'à l'accoutumée : on n'évoluerait plus dans le désert, les fonds sous-marins (Calm Black Water) ou dans d'autres mondes inconnus (Chaotic Divine), mais sûrement à travers un biome glacial. D'ailleurs, les éditions vinyles du disque le reflètent avec des éditions "glace" et "neige".

Sur la seconde face de l’album, Stasis peut paraître plus optimiste au premier abord avant un reversement de situation brusque qui basculera vers Faded And Fleeting, titre très mélancolique qui verra la seule incursion sur l’album du saxophone de Spencer Ouellette, instrument hélas trop rare sur Solace.

En guise de conclusion, Webbed Roots est le morceau sur lequel les quatres musiciens ont pris le plus de risques : séparée en deux parties, la piste va nous proposer du spoken word, du piano, un petit passage en blast beat (peu commun pour un groupe de doom) et se terminer sur une plage presque ambient pouvant rappeler les interludes Clear I et II présents sur Chaotic Divine.

Sur Solace, l’évolution ne se fait pas via le mixage : on accueille de nouveau Matt Russell pour nous mélanger savamment les nappes d’ambient, la guitare distordue et fuzzée ainsi que la basse bien mise en valeur qu’on avaient laissés sur leur précédent opus. La production ne varie pas non plus, le son “REZN” étant toujours clairement discernable.

Le changement, REZN l’a amené en travaillant ses compositions et en allant chercher de nouvelles palettes d’émotions, surtout après Possession. Là où avant les titres fonctionnaient plus par leurs riffs, ici ce sont plutôt les ambiances et atmosphères qui vont marquer l’auditeur. La lourdeur des guitares reste impactante, mais en sortant de l’écoute ce seront surtout les sensations qui resteront gravées dans la mémoire.

Les structures sont plus surprenantes, d’Allured By Feverish Visions qui évolue, sans pour autant dévier de sa mélodie, jusqu’à Webbed Roots dont on a parlé plus haut, en passant par Stasis et son changement de ton brutal. On sent que REZN s’amuse toujours à dérouter l’auditeur, comme sur The Still Center sur Chaotic Divine, qu’il terminait alors que tout laissait entendre qu’on atteignait le climax. Une déroute à relier à celles dont parle le groupe dans ses titres et ses paroles tout au long de l’album.

REZN_Photo_1 De gauche à droite : Spencer Ouellette (synthés et saxophone) , Patrick Dunn (batterie), Rob McWilliams (guitare et voix), Phil Cangelosi (basse)

Solace peut d’ailleurs être résumé ainsi : une agréable déroute. Le côté psyché auquel on pouvait s'attendre n’est peut-être pas aussi présent que prévu. Les quarante minutes peuvent paraître plus sombres que ce à quoi les musiciens nous avaient habitués. Les changements de ton peuvent surprendre, certes. Mis bout à bout, tout cela pourrait potentiellement décourager ceux qui appréciaient les précédents travaux du groupe.

Mais tout est finement construit. Le quatuor a posé des ambiances mystérieuses laissant à nos esprits le plaisir de pleinement y imaginer ce qu’ils veulent, tout en gardant une cohérence avec leur discographie passée. Que ce soit aisément notable ou non, Rob, Phil, Spencer et Patrick jouent tous leur meilleur doom psyché pour nous offrir un résultat à la hauteur de nos attentes, les titres étant tous puissants à leur manière. Que ce soit un lent crescendo, une mélancolique plage flottant dans l’inconnu ou un parpaing désespéré, REZN a de nouveau créé un fort bel ouvrage qui, nous l’espérons, lui ouvrira encore plus de portes et trouvera plus d’oreilles réceptives à son art.

Finalement, qu’importe le détour du moment que le voyage soit beau, non ?

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Rezn
"Solace"